Red handed (libre ^^)

-Je te l’avais bien dit, tu es devenu fou…

Susurra à l’oreille de l’homme une voix mielleuse mais si teintée d’amusement cruel que cela en faisait presque froid dans le dos. Le chasseur refrogné frissonna légèrement, cependant figé sur la pointe de son lit miteux d’hôtel, prenant de grandes inspirations pour garder son calme.

-Tu es dans ce trou perdu et sale… et pourquoi? Pour chasser des… démons !

Il entendit bien clairement le rire méprisant à ses oreilles, fermant fortement les yeux sous la difficulté à contrôler sa colère mais surtout sa peur, se répétant qu’il était seul ici, que ce n’était que sa fatigue qui lui faisait entendre des voix ou percevoir des ombres étranges et difformes se promener par elles-mêmes. Le chasseur sentit soudainement une main se promener doucement de son épaule gauche jusqu’à celle de droite, lui arrachant un sursaut qui le fit bondir du lit et se retourner, sur ses gardes et le cœur battant à vive allure. En sueur, la main posée sur une chaise posée là, prêt à s’en servir d’arme si il le fallait, il balada un regard angoissé sur toute sa chambre, mi-obscure mais pourtant vide : il était seul, vraiment seul. Presque trop seul même…

-Franchement, des démons! Des chimères plutôt, tu entends des voix, tu t’imagines avoir vu des choses si illogiques…

La voix était si froide et mesquine que cela faisait presque l’effet d’une coulée d’acide aux oreilles du jeune chasseur, lui donnant la chaire de poule. Se raidissant, il n’osa pas bouger ni respirer, les yeux écarquillés et les doigts crispés sur le bois de la chaise. La voix de femme se mua en un murmure terriblement perfide provenant de derrière lui :

-Tu es perdu mon jolis, tu devrais en finir tout de suite… tu ne trouves pas que ce serait un soulagement?... T’étendre là, sur ce lit crasseux, fermer les yeux et te laisser crever…

Sans crier gare, le chasseur se retourna d’un coup en donnant un vigoureux coup avec la chaise qu’il tenait et en lâchant un grognement d’homme poussé à bout, balayant vigoureusement l’air et étant presque entraîné par l’élan. Il n’avait rien touché. Le chasseur se sentit soudainement étourdi par cette réalisation, laissant tomber la chaise et titubant : il n’y avait personne, vraiment, il hallucinait cette présence vicieuse. Puis il eut l’impression que la pièce tournait autour de lui, que les meubles se déformaient horriblement et prenait des airs menaçant même, noirs, les coins devenant des lames ensanglantées. Il ferma les yeux à nouveau, atterré, avala avec difficulté et rouvrit les yeux, espérant et priant pour que ces images disparaissent.
Tel ne fut pas son horreur de voir qu’il n’était plus dans sa chambre, mais bien dans une pièce d’un blanc si pur qu’il était presque douloureux pour les yeux, des néons au dessus de lui et des murs matelassés…

-Oh Gosh…, laissa échapper le chasseur et portant nerveusement les mains sur ses yeux.

-Tu peux m’appeler comme tu veux, chéri, mais s’il te plait, pas ainsi…, dit la voix cruelle et amusée de l’Autre.

-Ce n’est que mon imagination, commença le chasseur

-Tu es devenu fou, surenchérit la voix d’un ton sec et haineux

-Non! Cria le chasseur avec hystérie, avant de continuer en tentant toujours de se contrôler, mais paraissant seulement névrosé : non et non… je n’y crois pas, ça ne peut pas être vrai… non, il ricana nerveusement, toujours en observant cette salle qui ressemblait trop à une chambre d’un asile psychiatrique.

-Pourtant tu cherches à te convaincre, tu parles tout seul… continua l’Autre avec un ton victorieux

L’homme se retourna à nouveau d’un coup et, alors qu’il croyait être encore seul, il eut un choc : devant lui, très près, se tenait une femme d’une beauté sublime au regard si irréel et bleu qu’il semblait hypnotisant et artificiel. Un fin sourire d’une cruauté incommensurable étira légèrement le coin les pulpeuse lèvres rouge sang de la femme. L’homme était bouche bée et horrifié devant l’apparition : elle semblait être entourée de centaines de formes de fumée noirâtre tournoyant avec volupté mais rapidité autour d’elle, formant une sorte de vêtement et de cape maléfiques qui grandissait et noircissait la trop blanche pièce avec ses griffes de couleur d’encre, comme des ailles géantes qui s’ouvraient dans le dos de la femme et englobaient toute la réalité. Le chasseur recula de quelque pas, muet d’horreur alors que les volutes virevoltaient avec de plus en plus de vitesse et semblaient de plus en plus acérées, le minois de la beauté prenant un air sadique à en frémir.

Alors qu’il se retourna à nouveau pour prendre ses jambes à son cou, tentant de se convaincre qu’il était toujours dans le motel, il tomba nez à nez avec la femme, apparue comme par magie très près de lui, la fumées et la salle blanche s’étant volatilisée sur le coup. L’homme n’amorça même pas un mouvement de recul que la mystique femme lui saisit à deux mains sa chemise à carreaux et le retint, un air féroce au visage alors qu’elle continua :

-Bon, alors ce petit jeu ne marche plus… asseyons-en un autre plus direct…

Elle porta sèchement une de ses mains derrière le cou du chasseur, lui empoignant la nuque, et l’autre saisissant un long poignard effilé prêt à transpercer la chaire, reflétant paresseusement la faible lueur du plafonnier jusqu’à ce que la lame se souille de sang…

***

Encore une fois, Carroll avait utilisé ses dons démoniaques pour tromper sa victime, un pauvre chasseur de 24 ans qu’elle avait aperçut en pleine chasse, le laissant tuer un lycan avant de le suivre jusqu’à sa chambre. En un éclair, elle avait finit de nettoyer toutes traces de sang sur sa peau soyeuse et ses dents perlées, laissant la chambre dans le plus total désordre cependant : ce n’était plus de son domaine maintenant… Ellis referma la porte de la chambre de motel, lançant un regard autour d’elle : c’était la nuit et le stationnement était désert, hormis quelques voitures en mauvais états et un ou deux automobiles semblant appartenir à de clinquants pimps : des voitures modifiées et colorées. La démone longea la balustrade de la mezzanine du deuxième étage et se dirigea avec grâce et un air blasé vers les marches pour descendre et se rendre au parking. Elle en choisit une, apparemment barrée, mais ne se laissa pas démonter : l’espace d’une seconde, elle matérialisa son clone à l’intérieur du bolide : la copie n’eut qu’à tendre le bras vers le loquet et débarrer la portière avant de s’évaporer. Souriant de satisfaction, la démone tira la poignée et s’apprêta à entrer.

Alors qu’elle allait prendre place gracieusement dans le véhicule, tenant le bas de son tailleur de jean couleur charbon, un éclat de voix la stoppa net. Elle venait de se faire prendre en plein délit, du moins ce serait ce qu’un humain penserait à ce moment… Oui elle allait voler l’utilitaire sport argenté, mais Ellis était bien loin de se sentir coupable, même que la démone y voyait un léger amusement. Quoi que ce passe-temps n’arrive pas à la cheville de ce que serait de découper de la chaire une deuxième fois cette nuit…

Carroll resta donc immobile, sans se retourner, jouant le jeu alors qu’un fin sourire gracieux mais empreint de sadisme se dessinait sur ses lèvres incarnates. Qu’il approche ce petit être humain effarouché, qu’il se jette dans les griffes du prédateur de la nuit, de l’ensorceleuse sordide, son choc et son horreur quand il découvrira le piège se refermant sur lui causeront l’extase chez cette créature distinguée! Elle inclina la tête sans la retourner, passant sa langue contre ses canines avec lenteur, cherchant le moyen le plus inédit et tordu de tourmenter celui ou celle qui l’avait surprise.

Soudainement, les vitres éclatèrent en volées de diamants tranchants, tous le verre posés sur les automobiles à proximité se fracassant d’un coup bien trop soudain pour être autre chose que l’œuvre de la magie. Ellis serra les dents sur le coup, la vitre du véhicule qu’elle s’apprêtait à voler lui frôlant le visage sans toutefois le couper. Puis, sans aucune cérémonie, elle envoya son signal d’illusion à la personne qu’elle savait près, qu’elle devinait responsable du petit tour de magie destructeur, lui donnant simplement l’impression que la démone était toujours immobile pendant quelque secondes seulement à préparer un coup alors qu’en réalité, Ellis s’était retournée et étudiait la femme depuis quelques minutes. C’était une blondinette, petite, vêtue de couleurs immonde à ses yeux, méprisable par sa beauté candide quoi qu’aux traits un peu tirés… la démone la détesta aussitôt autant par son allure que par le fait qu’elle avait fait démonstration de son pouvoir sans raison et en plein milieu du stationnement.

L’inconnue bafouilla quelques mots comme si le silence avait duré que peu de secondes –chose qui n’était qu’illusion-, toujours à penser que la démone lui tournait le dos alors que cette dernière l’observait avec un regard carnassier et amusé. Comme Ellis se délectait d’ainsi semer la confusion, le petit jeu de toute une vie en quelque sorte ! Puis, comme si elle ne faisait pas déjà assez rire l’Immortelle, la blondinette lui fit remarquer du ton d’une institutrice dépassée qu’elle était en train de voler une voiture, comme si la démone ne le savait pas déjà ! Et elle lui sourirait timidement qui plus est ! Carroll se devait de sauter sur l’occasion, de punir cette imprudente qui venait se mettre sur son chemin d’une façon aussi ridicule… Ridicules humains, peu importe leur dons ou leur capacités, ils restaient toujours aussi pathétiques.

Abandonnant d’un coup son illusion, donnant donc l’impression à l’autre femme qu’elle s’était retournée en moins d’une fraction de seconde, Ellis se redressa entièrement et applaudit nonchalamment, son geste débordant de sardonique. Un fin sourire méchant sur un coin de ses lèvres parfaites, commençant à avancer d’un pas lent et emplit de suavité, la démone lâcha un murmure doucereux qui se réverbéra mystérieux aux oreilles de la sorcière, comme si son interlocuteur était beaucoup plus près qu’en réalité, une illusion :

« Bravo, je vous félicite et vous salut bien bas. Je dois avouer que ce n,est pas courrant...Chose admirable que peu de gens ont de nos jours : le sens de l’observation… »

Elle donna encore une fois l’illusion que le temps s’était arrêté, semblant donc avoir parcouru les deux derniers mètres qui la séparaient de la femme en une fraction de seconde quand en réalité, elle avait seulement marché. Pas assez pour sembler se téléporter, mais juste assez pour que l’autre aille le sentiment que son cerveau se déconnectait de la réalité un très court, mais nuisible, instant. Sans parler qu'elle avait ajuter un léger effet de distorsion dans l'air qui l'entourait, pendant un court laps de temps, rien ne donnant plus l'air d'avoir halluciné... Elle continua sans affecter l’écoute de l’autre cette fois, encore aussi mielleuse et sournoise dans son ton :

« C’est vrai, les gens qui viennent de passer il n’y a pas 20 secondes ne m’avait pourtant pas remarqués…, Elle mentait volontairement, histoire de semer encore plus la confusion dans l’esprit de la jeune femme, Ils n’auraient pas vu de problème à ce que je prenne ce véhicule, vous ne croyez pas ? Vous non plus d’ailleurs, avouez-le : cette voiture devrait me revenir..., Elle dévoila ses dents perlées d’un sourire mesquin, inclinant légèrement la tête sur le côté alors qu’elle donna l’illusion à l’autre que les phares du véhicule s’allumaient, comme commandé par un démarreur à distance invisible, avant de continuer avec une fausse indifférence : Peu importe… et j’ose croire que vous ne voudriez pas faire un petit tour avec moi dans ma nouvelle automobile ? »

Comme la démone s’amusait présentement, confondre, paraître être qu’un songe éveillé, quelque chose qui allait disparaître comme l’hallucination que causerait un esprit trop fatigué… irréel bref. Ellis donnait même l’apparence que la lumière de la lune reflétait paresseusement sur son visage de porcelaine et sur ses yeux d’un bleu mythique et hypnotisant. La prochaine étape, une fois que perdre sa proie dans un tissus de chimère sera accomplis, était bien sûr un peu de torture physique cette fois.