Under the moonlight again [Jamie]

Si on lui avait dit un jour qu’elle serait danseuse dans une discothèque après les cours, Jude aurait sans doute rit aux éclats et dit qu’elle vivante, jamais. Ou peut-être à la limite pour un pari, si elle avait un peu bu avant. Elle vous aurait lancé un profond regard de ses yeux verts du genre « va te faire soigner mon pauvre », aurait élégamment fait demi-tour, faisant voltiger ses longs cheveux sombres avant de disparaître dans la joyeuse foule des étudiants en soirée. Ensuite, elle aurait raconté ça à Tom qui aurait pris un air choqué, Allison qui aurait rougi jusqu’à la pointe des cheveux, Kyle qui l’aurait dévisagée des pieds à la tête en s’attardant bien sur la chute de reins que l’on nomme communément fesses, aurait levé un sourcil en disant que sincèrement, c’était con et qu’elle devrait y penser, elle ferait un tabac. Et à ce moment-là, Nate lui aurait flanqué une tape sur le dessus de la tête, aurait enlacé sa Jude en proclamant haut et fort que si elle faisait ça, il venait la rejoindre complètement nu et qu’il casserait la figure à quiconque oserait poser les yeux sur elle. Avant d’éclater de rire et de dire que oui, sérieusement, elle ferait un tabac. Et elle aurait porté son verre à ses lèvres en disant que de toute façon, c’était hors de question, qu’elle avait mieux à faire que de se déhancher de manière suggestive devant une foule de mecs en manque avec ou sans copine en train de la fusiller du regard. Ouais, ça se serait sans doute passé comme ça. Mais il fallait croire qu’il n’y avait que les imbéciles qui ne changeaient pas d’avis, et que depuis qu’elle était de retour à Cleveland, rien ne tournait rond.

Sinon, pourquoi était-elle accoudée au bar du Velvet Dog, les yeux rivés sur le podium où une grande blonde se déhanchait en rythme, attendant qu’elle ait fini pour prendre sa place. Et surtout, que ferait-elle en discothèque affublée d’un pantalon en cuir noir et d’un bustier rouge plus que suggestif ? Elle se le demandait bien tiens … Une main passée dans les cheveux, elle essayait de se souvenir comment elle en était arrivée là. Remerciant d’un sourire le barman qui venait de lui apporter un cocktail bien corsé à base de rhum (il lui fallait au moins ça), elle le descendit d’un trait, revivant les derniers évènements qui l’avaient amenée là. c’était stupide en plus. Un mot, qu’elle avait trouvé un matin, glissé sous la porte de leur chambre de motel, à Allison et à elle. C’était un lundi matin, elles avaient cours tôt. Elle s’était réveillée avant Al’, comme d’habitude, celle-ci tournant et ruminant dans son lit. S’ébouriffant un peu plus sa tignasse, passant devant la porte pour gagner la salle de bains, c’est là qu’elle l’avait vu. Un petit morceau de papier dépassant de sous la porte. Fronçant les sourcils, elle s’était penchée et l’avait attrapé. Kyle ou Tom ? Jetant un coup d’œil du côté de son amie, elle se rendit compte que ça ne servait à rien de lui en parler, elle était en train de se battre avec son oreiller pour savoir si elle allait se lever ou non. Se glissant donc dans la salle de bains, elle avait déplié le message. Ce n’était pas l’écriture de Tom. Ni celle de Kyle. Mais elle n’arrivait pas à savoir à qui elle était. Juste une phrase. Sibylline. Et explicite à la fois.

La personne que vous cherchez se trouve au Velvet Dog.

Quelques secondes d’égarement. Qui cherchait-elle ? Elle cherchait la vérité. Sur la mort d’Emma. Pas une personne. Elle était perdue. Peut-être cette personne détenait-elle la vérité ? Une longue douche brûlante la fit réfléchir. Oui. La vérité. Ou alors … ou alors Emma avait été assassiné. Elle y pensait depuis longtemps. Elle n’était pas morte de maladie. Elle était en parfaite santé, elle venait régulièrement à la piscine avec elle. Elle ne fumait pas, ne se droguait pas, ne buvait pas beaucoup, moins qu’elle en soirée en tous cas. Ce n’était pas une rupture d’anévrisme. Et elle ne croyait pas à la crise cardiaque. Elle n’avait rien, il lui fallait encore mettre la main sur le rapport de police. Et voilà qu’un indice lui tombait du ciel. C’était presque trop beau pour être vrai. Un piège ? Mmmh … pourquoi ? Elle ne faisait qu’enquêter sur la mort de l’une de ses meilleures amies, elle ne voulait briser aucun secret d’état. Mais cette ville lui flanquait la trouille. Autant y aller avec des pincettes. Le Velvet Dog, elle s’était vite renseignée. Une discothèque. Le rapport ? Elle se le demandait. Mais bon. Une chose avait attiré son attention. Ils cherchaient des danseuses. Bien sûr qu’elle avait commencé par s’interdire de penser à ça. Non mais, c’était un job, ça ? Et puis elle y avait repensé. Sérieusement. Quand Kyle avait commencé à dire qu’il faudrait qu’ils se bougent pour trouver un boulot. Pour payer les chambres du motel, et peut-être tant qu’à faire, se trouver un appartement. Chaque chose en son temps, mais il fallait y penser. Et elle s’était entendu dire qu’elle avait trouvé. Qu’ils ne devaient pas lui demander où, mais elle avait trouvé. Un coup de tête. Ils avaient besoin de fric. Et apparemment, ça payait bien. Ils avaient besoin de a vérité. Et on lui avait dit qu’elle était là-bas. Non, elle n’avait pas parlé du message aux autres, ils lui auraient dit de ne pas y aller. Ça se serait encore fini en dispute. elle ne pouvait compter que sur elle-même. Et puis … il y avait une autre raison, même si elle se refusait d’y penser. Une raison qui commençait pas un M, qui se finissait pas un W et qui avait un corps de rêve. Mais pas question d’y penser. Non, c’était pas pour ça. C’était stupide.

A toi Baby J.

La voix du barman la fit revenir à la réalité. Oui, tout le monde l’appelait baby J ici. Son « nom de scène ». rien que de penser à ce que dirait Kyle … Oh, pas le temps de tergiverser. C’était la fin de sa pause. Belinda venait de descendre du podium. Merde, c’était à elle. Glissant souplement à bas de son tabouret, elle posa son verre vide sur le comptoir. Bon sang, elle détestait les talons aiguille. Oui, pourquoi cette tenue ? le gérant de la discothèque l’avait généreusement reluquée lors de l’entretien, l’avait fait dansé un peu, et avait conclu en disant que c’était ok, mais qu’il fallait qu’elle s’adapte au niveau vestimentaire. Elle avait regardé son jean et sa chemise, puis la tête du gérant. Et ça faisait maintenant une semaine qu’elle dansait le soir comme ça, après les cours et après les devoirs. Ouais, en pantalon en cuir et en bustier. Comme quoi … Accrochant un sourire sur ses lèvres, elle reprit sa place. Le barman lui fit un clin d’œil. Ils avaient pas mal discuté, et elle avait dit que si ça continuait, elle allait venir danser carrément sur le bar. Un « chiche » lui avait servi de réponse, auquel elle avait répondu par la pareille. Allez, si ce soir il y avait de l’ambiance, peut-être. Ça commençait, doucement, mais il fallait dire que la nuit ne faisait que commencer. S ‘intégrant aisément au rythme de la musique, elle commença à danser, se demandant comment réagiraient ses amis s’ils la voyaient. Et ses parents. Son petit frère … Ouais, enfin Jake aurait compris. Il aurait peut-être même joué les gardes du corps. Ça devait lui faire quoi, dix-sept ans ? Il faudrait qu’ils se revoient. Bon, se concentrer. Elle avait déjà repéré les habitués, plutôt des mecs sympas. Les filles n’étaient pas trop salopes. Mais toujours aucune trace de son mystérieux indic. Ça viendrait, même si elle n’était pas très patiente. Elle demanderait, plus tard. La seule chose qu’elle demandait, c’était de ne croiser personne qu’elle connaissait. Oh, si elle savait …

Jamie verrouilla la porte du Wayssidy’s. Le soir avait terni les couleurs qui rayonnaient hypocritement le jour. Dehors il faisait froid et d’ailleurs, cela faisait longtemps qu’il n’avait pas fermé la porte de la boutique de l’extérieur. Presque une semaine qu’il n’était pas sortit de ce magnifique bâtiment qui regroupait sa maison et son travail. Petite, sa vie était petite. Rien à voir avec cette vie de bohémien tueur qu’il avait jadis. Le matin à Londres et l’après midi à Reykjavik, le lundi en Irlande à boire de la bière et le dimanche entrain d’assassiner une bonne femme à Denvers… Il ne savait plus vraiment si cette vie là lui manquait. Ce dont il était certain, c’est que ne se séparer de Lily, sa fille d’un an, le rendait plus nerveux qu’un junkie en manque. Et sûrement plus affreux à reluquer.
Un regard furtif lui suffit pour comprendre que si cette nuit encore, il n’était pas assassiné au coin d’une ruelle sombre, c’est qu’il est chanceux. Son arme, coincé dans sa vielle chaussette Snoopy, et un paquet de cigarette repli d’explosifs d’allait pas lui servir à grande chose contre un démon assoiffé de sang, bavant comme une vache dans un pré printanier.
Et pourtant il s’engouffra dans la nuit, les mains dans les poches et la langue dans la bouche, pour atteindre le tant lumineux « Velvet Dog ». La seule chose qu’il appréciait dans ce bar de détraqué mentaux, c’était le titre, assez parlant… « attention chien méchants » et surtout « attention chiennes chaudes ». Pour une entré plus remarquable, Jamie sortit une cigarette, violette par sa couleur et exquise par on goût, elle avait certainement entamé un petit cancer du poumon. A l’intérieur la musique, la fumée et les cinglés se mêlaient comme le riz et les fruits de mer dans la paella. Comparaison fondée, car les danseuses, fatigués et blanches comme des grains de riz, étaient humidifiées par le regard des gros et horribles fruits de mer morts grisâtres qu’était les vieux hommes déchus ou les pervers passifs.
Avec sa carrière de délinquant et d’assassin, Jamie se sentait presque normal ici, mais ceci ne provoquait aucune euphorie. Plutôt un malaise, plutôt rentrer chez lui et dormir au clair de la lune phosphorescente qui était accroché dans la chambre de son bébé. Ah Lily, jamais elle ne luit manquait plus que dans ces instants. Cela l’effrayait presque, l’idée d’apprécier le silence des enfants plutôt que les cris des adultes. Il aurait juré qu’il y a un an, c’était exactement le contraire. Et il aurait juré, il y a un an que jamais un enfant n’aurait sa place dans sa vie. Même les adolescentes, il ne pouvait pas les blairer. Quoi qu’on en trouvait peu à Cleveland, toutes violées et tuées par des démons qui appréciant les proies faciles.
Jamie était venu dans ce lieu commun à tous les ennuis cachés pour récolter une ou deux rumeurs sur un certain démon. Bien qu’il n’en ait jamais parlé à Kayliah ou à Charlie, ses deux fidèles femmes… {c’est toujours bon de rêves}, il était entrain de chercher les démons qui ont assassiné son vieux démon à lui… Cassidy Graham, cette créature du diable plus proche de la sucette à la fraise que du couteau saignant, était mort sous ses yeux, et toujours les événement d’il y a un an hantaient ses nuits. Bon, pas toutes, certes, mais une bonne partie étaient consacrées à des « et si » et des « j’aurais dû » qui ne faisait qu’augmenter son stress qui allait causer la venu de son cancer du poumon plus vite que prévu…
Jamie soupira en repensant à Cassidy, et lorsqu’il trouva enfin une table à laquelle s’assoire, il s’imagina que le démon en fraise allait surgire de nul part et que leur rencontre se fera comme la dernière fois, par hasard. C’était tout à fait possible, tout à fait imaginable, si seulement l’autre n’était pas mort, si seulement la nuit de l’explosion de Cleveland Jamie avait été un peu plus responsable.
Quelques secondes plus tard, un homme vint s’assoire à côté de lui et commença un petit récit bien intéressant, que Jamie n’écoutait que d’une oreille, regardant la danseuse blonde, qui laissait place à une brune, acclamé par tous les pervers de la salle.
« Il y a un mois un mec du nom Shawn disait avoir entendu parler d’un mec avec un enfant la nuit de l’explosion. C’était son frère, un sorcier, qui l’avait vu près de la sortie de la ville mais… »
« Et près de la Golden Hill, j’avais dit que je ne m’intéressais que à ce qui c’était passé autour de la Golden Hill. »
L’homme avec un enfant était en l’occurrence Jamie, mais il savait bien que chercher les meurtriers de Cassidy, était quasiment impossible directement. Des démons qui ont tué quelqu’un, il y a n’a eut des centaines cette nuit là. Par contre, des hommes courant avec un bébé dans les bras près de la Golden Hill, il n’y a n’avait qu’un et c’était lui. Les gens qui l’auraient vu, seraient susceptibles d’avoir également vu Cassidy entrain de se faire tuer. Mais ces gens, Jamie devait également penser à les supprimer. Rien de servait de se mettre en danger, car personne ne devrait savoir où se trouvait Lily, le bébé sensé devenir le chef de cette bande de démons cinglés sortit de la porte des Enfers.
En effet, Jamie espérait faire d’une pierre deux coups. Tuer tous les hommes qui auraient vu Lily cette nuit là et qui seraient capable de le reconnaître, et trouver les assassins de Cassidy. Mais, c’était bien de rêver, il faisait ça depuis six mois et depuis six mois il n’avait eut rien du tout. Même pas un os pour le chien.
« Mais je vois pas la différence… » grogna l’homme à côté de lui.
« Il saurait reconnaître le gars avec le bébé, le frère de ton Shawn ?… » Coupa Jamie avec lacement.
« Bah justement non. Il faisait noir, mais Shawn a dit que son frère a remarqué qu’il était plein de sang alors sûrement qu’il est mort !!! »
« Ouais…sûrement » fit Jamie en écoutant les gloussements de l’autre.
« Bah, soit un peu réaliste, trouver ce gars ça relève de l’impossible, cette nuit là à Cleveland c’était l’horreur absolue, crois moi je suis arrivé trois jours après… »
« Mais je te crois… » Sourit Jamie vaguement regardant l’homme qui s’y croyait vraiment.
« A mon avis t’as jamais vu ça ! C’était carrément l’apocalypse, les démons avaient même bouffé les murs, creusé des trous n’importe où. Plus l’ombre d’une voiture en état de marche ou d’homme sans avoir perdu la moitié de son sang ! T’as jamais vu ça mon gars, j’te jure ! »…
Jamie sourit et remercia d’un mouvement de tète l’homme qui lui sourit en retour. Bien qu’au fond il avait envie de saigner ce gars et de lui raconter ce qu’il avait vraiment vu, il n’en fera rien. Cette nuit encore il allait rentrer sans l’ombre d’une piste. A vrai dire, il était venu sans espoirs et sans espoirs il repartira. Cinq minutes à peine étaient passées, qu’il se levait déjà pour repartir. La brunette qui dansait jadis avait disparu et il soupira tristement. Dommage, il y avait comme quelque chose de familier dans ses yeux, comme un air de passé pour lui. Parmi tous ces hommes insignifiants il l’avait remarqué mais c’était sûrement parce qu’elle était sur scène. Il n’avait pourtant, jamais remarqué les danseuses de ce bar auparavant

La musique la portait, l’aidant à faire abstraction du reste. Une question d’habitude. Non pas que ç’avait toujours été une habitude pour elle, de se déhancher sur un podium en bustier, pantalon en cuir et talons aiguille, le tout en faisant abstraction des regards et commentaires pervers. Mais la musique lui avait toujours permis de décrocher. Quand elle était petite, le casque de son premier baladeur sur les oreilles pour éviter que l’on ne la tire de son monde de fantômes, loups-garou et autres vampires. Plus tard, quand ses parents se disputaient. Pendant ses études, dans une cafétéria bondée. Ou quand elle voulait faire un dissertation sur l’histoire du droit et que Kyle regardait la télé à côté. Ou criait. Bref, quel que soit le moment, quel que soit l’endroit, quel que soit l’entourage, la musique avait cet effet magique de la déconnecter de la réalité. Parce que oui, elle était consciente d’où elle était, autrement dit dans une discothèque à la population disons plus que dépravée, et de ce qu’elle faisait, autrement dit exhiber son corps d’une façon qu’elle ne se serait jamais permise en temps normal et le mettait en mouvement de façon à contenter les fantasmes de tous les mecs en manque de la salle. Elle en était consciente. Mais la musique rendait les choses irréelles. L’éclairage aussi. Et le fait de voir tout le monde d’en haut sans doute. D’avoir bu quelques uns de ces fameux cocktails également. Délicieux et la grisant juste assez pour qu’elle se prenne pour quelqu’un d’autre. Qui lui ressemblait étrangement. Mais en plus sûre d’elle. En plus jolie. En plus mystérieuse. En plus sexy. Oui, elle avait besoin de ça. De se sentir mieux que ce qu’elle ressentait en ce moment. Pourquoi ? Excellente question. Dont la réponse est tellement évidente … et tordue. Une rencontre l’avait bouleversée. Et elle voulait savoir si elle existait. Si l’image qu’elle avait eu à cet instant d’elle-même était véridique. Elle voulait qu’on lui dise le contraire. Elle voulait croire au contraire. Mais tout ce qu’elle arrivait le plus souvent à se dire, c’était que ces types étaient tellement désespérés qu’un rien leur suffisait. Mais le reste elle ne le voyait pas. Qu’elle était plus applaudie et plus sifflée que les autres. Qu’elle n’était là que depuis une semaine et qu’elle avait déjà ses « habitués ». quel le barman lui faisait du grain. Non, elle ne voyait rien de cela. Aveuglée par l’image de la perfection. Qui la désespérait. Et l’avait poussée ici.

Ça, et le mot. Non, dans la névrose, elle ne l’avait pas oublié. Bien sûr que non. Elle venait pour ça. Le reste n’était que du « bonus ». ouais. Elle surveillait. On ne pouvait avoir meilleure vue d’elle que là où elle était. si la personne qui avait laissé ce mot mystérieux était dans les parages, elle finirait bien par venir lui parler. Lui faire un signe. Ou n’importe quoi d’autre. Elle voyait tout le monde d’ici. Mais elle n’avait pas encore repéré personne. Elle guettait également « la personne qu’elle cherchait ». l’assassin d’Emma. Homme ou femme. Oui, pourquoi pas une femme qui n’avait pas su garder son homme en laisse lequel avait flirté avec Emma. Peut-être. Trop poussé ? A Cleveland, il n’y avait pas de demi-mesure et pas de sens commun. Alors bon … Elle avait bien entendu parlé d’un mec qu’on avait passé par la fenêtre du troisième étage pour une histoire de massage de pieds à la femme de son patron…. Enfin. Elle n’excluait aucune piste. Peut-être allait-elle tomber sur un ex d’Emma. Mais une fois qu’elle aurait trouvé, que ferait-elle ? Aucune idée. L’étudiante en droit lui soufflait de lui extorquer des aveux enregistrés puis de le faire inculper pour meurtre. L’amie et la jeune femme détruite réclamaient vengeance. Mort du coupable. Dans la douleur. Surprenant, de la part de quelqu’un de si doux en apparence. Mais elle contenait les deux. Fer et velours. Sauvagerie et docilité. Ombre et lumière … si elle savait à quel point. Feu et eau. Et, en cet instant précis, elle était les deux. Feu sacré, ardent, brûlant, dévastateur. Eau coulante, glissante, fluide, agréable. Un mélange explosif. Qui plaisait.

Une paire de sifflets appréciateurs jaillirent de la foule, et ses yeux bleus, suivant la direction de ce son, trouvèrent une table et deux jeunes gens … peut-être un tout petit peu plus vieux qu’elle. Qu’elle était sûre de connaître. Ils devaient être à l’université. Après tout, elle était revenue depuis peu, et elle n’avait pas eu le temps de mémoriser tous les visages. Cela n’empêcha pas qu’elle leur envoya un clin d’œil assorti d’un sourire flamboyant. Après tout, elle pouvait bien s’éclater un peu en bossant, non ? Ses yeux quittèrent les deux amis qui se donnaient de grandes tapes dans le dos pour revenir à la salle. Mais … elle se força à ne pas froncer les sourcils (ce n’était pas franchement vendeur). Il lui semblait avoir reconnu quelqu’un. Comme un élément familier dans une immensité inconnue. Cependant, elle était allée trop vite. Elle ne se rappelait pas où. Son subconscient venait juste d’afficher un grand panneau « VISAGE CONNU ». trop tard. Se forçant à rester calme et à danser en rythme, elle retrouva ses deux lascars qui n’en furent que plus heureux. Mais elle ne s’attarda pas sur eux. Ils ne l’intéressaient pas. Il y avait quelqu’un qu’elle connaissait ici. Peut-être son indic. Peut-être le meurtrier d’Emma. Peut-être qu’elle avait eu raison de se faire engager ici finalement. Fébrile, le cœur battant la chamade, elle obligea son regard à refaire lentement le même parcours. Et elle le vit. L’individu qu’elle connaissait. Assis à une table, en train de tirer sur une cigarette et de discuter avec un autre mec. Il n’avait pas changé. De visage du moins. Ses traits étaient les mêmes. Malgré la distance, la lumière et la fumée, elle le reconnut sans le moindre problème. Mais il n’avait rien à voir avec Emma. Il ne la connaissait pas. En tous cas, Emma ne le connaissait pas. Jude l’aurait su. Non, cette personne appartenait à son passé, et à son passé seul. La vie était étrange. Et même pire que ça.

Elle aurait du se contenter de ça. Mais en même temps, et si elle se trompait ? Quand bien même elle ne se tromperait pas, qu’est-ce que ça changerait ? Elle ne le savait pas. Comme elle ne savait pas pourquoi elle eut la soudaine et urgente envie d’aller s’en assurer. Et lui parler. Ce qui était ridicule, car il pouvait très bien ne plus se souvenir d’elle. Ou ne pas la reconnaître. En cinq ans, elle avait changé. Et il fallait être réaliste, même ses meilleurs amis auraient eu du mal à la reconnaître tellement ce qu’elle portait détonnait de son apparence habituelle. Oui, et bien, elle allait le faire. Elle en avait envie. Elle fit un petit signe au barman, et à Belinda qui était très heureusement restée au bar comme à son habitude. Celle-ci comprit le message et s’approcha du podium au moment où Jude en descendait.

Petit ami ?
Vieille connaissance.
Mouais. T’as de la chance, j’ai rien de prévu, je te remplace.
Merci Bel’, je te revaudrai ça.
J’y compte bien …

Humour ou pas, Jude ne s’apesantit pas sur la question, elle s’en foutait royalement d’ailleurs. Tout ce qui lui importait était qu’elle avait accepté. Après, on verrait plus tard. Elle ne fit également pas attention à l’air jaloux du barman quand elle se tourna vers la salle et s’enfonça dans la foule des gens sans la moindre explication. Elle essayait d’avancer vite sans qu’on la reconnaisse, ce qui n’était pas aisé vu sa tenue si particulière. En plus, les talons aiguilles, on avait déjà fait mieux pour une célérité optimale. Louvoyant du mieux qu’elle pouvait à travers cette jungle humaine, évitant les regards et surtout les mains baladeuses, elle avançait, lentement mais sûrement, comme dans un rpeve. Et soudain, emme déboucha pile en face de sa table. Un choc. De le voir aussi près après tout ce temps. il venait de se lever, elle était arrivée juste à temps. dans un souffle, son prénom jaillit de ses lèvres :

Wayne …

C’était bien lui. Elle se rappelait de chacun de ses traits. Après tout, comment oublier le visage d’un homme qui vous avait kidnappée, même cinq ans après les faits ?

Son mégot tomba dans la capuche d’un homme en plein déhanchement homosexuel et son regard serpenta par terre, monta telle une fumée tout au long des jambes gracieuses mais si fatigués, pour enfin attendre le visage, démuni de toute expression reconnaissable qui ornait la fillette nue qui semblait lui parler. Son allure ne lui disait rien mais après tout, celle de sa mère, celle de sa sœur et même son propre visage lui était inconnu. Il n’avait pas eut ce dont de retenir tous les hommes qu’il avait rencontrés et encore moins les femmes. Il ne se serait certainement pas retourné si une voix d’homme avait prononcé ‘Jamie’ avec un ton mystérieux ou ivre. Il aurait même pu ignorer une insulte du bas monde, du quel il faisait partie, car c’était un jour morose sans cette envie de sang dans son cœur. D’ailleurs, ce jour durait depuis un peu plus d’un an.
Jamie afficha une grimace peu fameuse et se lança dans un monologue intérieur. Qu’est ce qu’il répondra ? L’homme qu’il avait été jadis aurait répondu dans la seconde, avec un vanne ou un compliment tout sauf subtil. Le nom que la fille avait prononcé résonnait dans sa tète. Et tout comme son regard en attente d’une réaction, le regard de Wayne balayait le sol.
Il n’était pas connu à Cleveland en tant que ‘Wayne’. La seule fois où il était venu en Amérique il avait bu et fumé tout le liquide du monde et s’en souvenait à peine. Si cette fille connaissait l’homme, ou plutôt le barje qu’il avait été, réagire avec calme et distinction aurait éveillé des soupçons. Mais après tout, qu’est ce qu’une fille de joie fictive pourrait lui faire ?
L’homme à qui il avait parlé à propos de la nuit des explosions l’observait. Ce gros tas de cellulite mal placée ne s’était pas encore cassé et regardait la scène avec des yeux brillants le vice. Qu’est ce qu’il attendait ? Un film porno live pour se souvenir de sa jeunesse ?

Jamie se racla la gorge et leva ses yeux vers la fille. Lui accordant un sourire neutre et essayait de garder le calme, car la panique il la dominait parfaitement, tout seul, dans un lieu connu. Mais ici, devant le gros obèse qui était censé être un de ses contacts « sûres » c’était une toute autre affaire.
Jamie est venu il y a six mois à Cleveland, après avoir passé quelque temps en Islande, son pays qu’il détestait plus que la noix de coco. Et depuis il s’était forgé un petit nom, d’informateur passif et dangereux. Il n’avait tué personne au cours de ces six mois, violée, torturé, momifié encore mois [d’ailleurs il s’étonne lui-même] Mais sortit tout droit d’un milieu mafieux, il savait comment il fallait s’y prendre pour avoir un nom craint de tous sans avoir jamais rien fait. Les humains et les démons, peu de choses les séparent. En effet, l’homme n’est jamais plus humain que quand il est bestial et sans cruauté. On pourrait presque dire que les démons sont les véritables humains et que ceux qui clament avoir une conscience ne sont que des minables hypocrites.
Mais ce n’était pas le temps d’écrire une thèse sur la véritable nature de l’homme, car cela ne sert à rien. Les gens on beau dire que jouer à WoW c’est inutile, il y aura toujours des barjes qui discuteront de la profondeur de cette activité.

Un peu plus de 30 secondes passèrent et la fille continuait à le fixer, anxieuse et quelque peu inquiète. Encore un peu et elle s’en ira toute seule…pas vrais ? D’ailleurs en ce moment même elle devrait se demander si elle ne s’était pas trompée.
Difficile à imaginer, Wayne avait gardé son apparence mal coiffée et son odeur de cigarette irlandaise.

Que sortir, que faire, quelle connerie jeter pour se débarrasser de la fille et du gros lard assit qui les observait comme un journal porno. Les gens étaient vraiment pervers. Mais il ne faut pas les blâmer, la société l’est plus encore.
Le moment était vraiment mal choisit pour critiquer l’univers, et Jamie, tout autant wayne qu’il était, décida enfin de parler.
« - Non, tu te trompes, Wayne c’était mon frère jumeau et il est mort d’un cancer de la prostate il y a un an. »

Entre toutes les conneries du monde, celle là était la meilleure. Il hallucination au propre écho de ses paroles. Frère jumeau… t’aurais plus qu’à rajouter monozygote et elle se serait évanouie.

« - Jamie, pour quoi tu m’as jamais dit que t’avais un frère jumeau ? » Rigola le gros lard assis à quelques tables. Il était con, il était définitivement débile et ce sera certainement le premier meurtre de Jamie à Cleveland depuis qu’il est revenu.
« - Je… J’ai apprit ça y a un mois… » Et le délire continuait de plus belle.
La fille avait deux options, soit s’implique dans cette comédie théâtrale ou rigoler en étant spectatrice.
« - De toute façon je dois y aller, j’ai… j’ai… j’ai ma femme qui m’attend… [ ?] »
Jamie grimaça d’avantage et reculant de quelques pas, il commença une course désespérée vers la sortie. Et une fois dehors, la seule chose qu’il aurait voulu demander à Dieu si il y avait cru, c’était que cette fille ne le suive pas, ou encore pire, que le gros lard vienne lui demander le nom de sa femme.

Un long frisson la parcourut de part en part quand son regard croisa celui de l’homme. C’était lui. Elle en était persuadée, chacune des fibres de son corps le lui disait. Wayne … Cinq ans après. Cela semblait tellement loin, mais tellement proche en même temps. elle s’en rappelait comme si c’était hier.

[Flash-Back]

M’man, j’y vais !
Déjà ? Mais tu vas arriver bien trop en avance !

La tête de Jude se passa dans l’encadrement de la porte de la cuisine, l’air angélique.

Je vais travailler un peu avec Catty avant les cours c’est pour ça …
Genre qu’on va gober ça ! Elle va rejoindre son copain, c’est tout, assena son petit frère, en train de faire un sort au paquet de céréales.

Les yeux de Jude s’écarquillèrent d’une indignation feinte. Parce qu’il avait évidemment raison. Mais le dire devant les parents …

N’importe quoi ! J’suis pas comme certains, à draguer les jolies filles en se vantant que son père est en fait un agent fédéral … hein Jaky ?
En même temps, si tu draguais les filles, Judy, ce serait inquiétant.
C’est Jude, pas Judy !
Et moi Jake, pas Jaky.
…
…
J’te hais. Tafiole.
Moi aussi je t’adore. Crétine.

Un clin d’œil complice plus tard, faisant lever les yeux au ciel à leur mère, la porte claquait et Jude était partie. Trois rues à traverser, l’arrêt de bus, le lycée … Aidan qui devait l’attendre. Un petit sourire naquit sur ses lèvres. Décidément, la vie était belle. Oui, enfin … Elle avait envie d’être encore plus en avance. Prit donc un raccourci. Une petite rue, loin du monde. Grave erreur. Bientôt, deux mains puissantes se saisirent d’elle, l’une se plaquant sur sa bouche, l’autre lui enserrant la taille. Le hurlement qu’elle voulait pousser ne sortit pas de sa gorge. En un éclair, les quelques notions d’auto défense qu’elle connaissait passèrent devant ses yeux. Un coup sec du coude dans le ventre de son agresseur. Elle se retourna, captant chacun des traits de l’homme, et, en désespoir de cause, le griffa au visage. Un choc sur la tête. Et le trou noir.

[Fin du Flash back]

Oui, ce visage, celui qu’elle avait griffé, c’était bien lui. Wayne … Ce que ça faisait bizarre de le revoir. Elle avait pensé que leurs chemins ne se croiseraient jamais plus. Alors le voir, maintenant, après toutes ces années, surtout dans cet endroit … Oui, en même temps, il y avait pas mal de pervers dans la salle, alors bon, ce n’était pas si étonnant que ça qu’il soit présent. Lui et son ami … qui la déshabillait ouvertement du regard et les regardait d’un œil lubrique. Non, elle n’était pas là pour proposer un coup à Wayne, ça n’avait rien à voir. Bon, oublier le porc … Il ne semblait pas la reconnaître. Un sourire incertain naquit sur ses lèvres… mais il ne la reconnaissait pas. Visiblement, non. Oui, en même temps, elle avait bien changé. Elle allait lui rafraîchir la mémoire dans ce cas. Mais, avant qu’elle n’ait pu ouvrir la bouche, il parla.

Non, tu te trompes, Wayne c’était mon frère jumeau et il est mort d’un cancer de la prostate il y a un an.

Pardon ? Say all again after bonjour ? Un frère jumeau ? Les sourcils de la jeune femme se froncèrent légèrement. Wayne n’avait pas parlé d’un frère jumeau. Et pourtant, qu’est-ce qu’il avait parlé cette nuit là … Et puis même … st-ce qu’on sort des trucs comme ça d’un ton aussi désinvolte ? Et puis Wayne fumait les mêmes cigarettes. Ok, les jumeaux étaient bien ressemblants, mais non … Non, elle était sûre qu’il lui racontait des craques. Mais pourquoi ? Elle était perdue. Il ne voulait pas parler avec elle devant son gros porc d’ami ? Tout ça n’avait strictement aucun sens.

Jamie, pourquoi tu m’as jamais dit que t’avais un frère jumeau ?
Je… J’ai appris ça y a un mois…

Hein ? Comment ça Jamie ? Mais non, il s’appelait Wayne ! A moins que cette histoire de frère jumeau ne soit vraie … Elle était complètement perdue.

De toute façon je dois y aller, j’ai… j’ai… j’ai ma femme qui m’attend…

Une grimace … Il ne croyait pas à ce qu’il racontait, ça se voyait depuis le début. Et si l’autre pervers libidineux n’était pas assez intelligent (ou clair) pour le voir, ça n’avait pas échappé à la jeune fille. Il fuyait. Et ça l’intriguait. Pourquoi fuir ? Pourquoi mentir ? Pourquoi vouloir lui échapper ? Elle faisait si peur que ça ? Elle resta juste deux secondes là, à le regarder s’en aller. Jusqu’à ce que la voix de l’autre tache ne résonne.

Hey, petite, t’es sure que c’est Jamie que tu veux ? Je suis plus … expérimenté, si tu vois ce que je veux dire.

L’œil lubrique de ce vieux dégueulasse commençait à lui taper sur le système. Et la curiosité était plus forte que tout. Alors elle lui adressa un franc sourire :

Ecoutez, vous êtes bien mignon, mais je ne suis pas une pute. Figurez-vous que Wayne, le frère de Jamie était mon fiancé et qu’il m’a largué sur les conseils de son enfoiré de frère jumeau. Donc, je m’en vais de ce pas avoir une petite discussion avec ce cher Jamie, et je vous prie de ne pas vous en mêler. Ah, et je suis ceinture noire d’aïkido, si ça vous intéresse. Bonne soirée.

Et elle était partie. Après tout, c’était la soirée des conneries en folie, alors bon … Elle se fraya un chemin vers la sortie. Tant pis pour ses affaires, elle appellerait le barman pour venir les reprendre. Elle voulait savoir, le voir … Elle déboucha enfin dans la rue. Toujours en talons aiguilles. Fais chier. Mais bon … Elle l’aperçut de dos, s’éloignant à grands pas. Enlevant prestement ses chaussures, elle se mit à courir, pieds nus sur le bitume, les cheveux lui volant autour et se collant à son visage. Bientôt, elle le rattrapa, le contournant et se plaçant devant lui. Même pas essoufflée. Finalement, ça servait le sport. Lentement, elle planta ses yeux dans les siens.

Tu crois quand même pas que j’ai avalé tes salades ? Tu es Wayne. Je me souviens parfaitement. Et toi ? Il y a cinq ans, dans le Maine …

Le Maine. Le Maine ? Il n’avait jamais été fort en géographie de toute manière. Jamie fronça les sourcils essayant de se souvenir ce qu’il faisait, il y a cinq ans. Et pourquoi cette fille pieds nus s’obstinait à l’appeler Wayne. Il glissa ses mains innocemment dans ses poches, promenant son index sur son arme à feu, alors qu’elle était toujours entrain de le fixer avec des yeux avides de vérité. La vérité ma fille, si tu la cherche, tu t’es trompé de ville.
Il y a cinq ans, Wayne était aux USA, ça il s’en souvient parfaitement. A jouer les dures avec Cassidy et mettre tout l’alcool à leurs pieds. Cassidy aimait le danger, Wayne aimait Cassidy, et aucun d’eux n’aurait reconnu leur penchant pour les curiosités de la vie. D’ailleurs, avec recul, Jamie se rendait compte qu’à l’époque il s’était laissé allé. S’il n’avait pas été émotif à l’allure amicale de son démon, il n’aurait probablement pas prit part aux explosions de Cleveland. Un frisson parcourut son corps. C’était étrange la façon dont toutes les choses lui rappelait le démon. Cela lui faisait fichtrement mal, mais c’était loin de lui déplaire. La dernière chose que Jamie aurait souhaité c’est l’oublier.
Il leva les yeux vers elle, comme pour essayer de lire une quelconque vérité sur son visage, un brin de souvenir qui l’aiderait à reconquérir sa mémoire. Mais l’unique chose que ses lèvres lui montait c’est qu’elles sont trop sèches, ses yeux trop ternes, sa peau trop torturé. C’était une femme comme les autres, ici à Cleveland. Bien qu’un peu trop jeune, un peu trop polie.
Il eut un bref regard sur le côté, comme pour s’assurer que personne ne les regarde. Peut être s’il l’agressait, elle allait lui foutre la paix ?
- Je ne vois pas de qui tu parles. Tu sais, peut être que j’ai couché avec toi et que je t’ai plaqué mais écoutes, c’est du passé. Il faut que tu comprennes que Wayne est mort, même si je suis là devant toi. J’ai eut un trouble du comportement alors je me souviens de rien qui remonte à plus de six mois alors… tu vois… y a cinq ans dans le Maine ça me dit rien…

Jamie écarquilla les yeux. Il devait avoir une expression terrible parce que la fille grimaça et recula quelque peu. Il recula également, jetant encore des regards inquiets sur les côtés.

[Flash Back]

Wayne était affalé sur une table de bar, discutant avec la serveuse dont l’uniforme rose était un peu taché d’alcool et d’autres liquides douteux.
- C’est vrai que t’es un tuer ? Sourit-elle montrant sa dentition douteuse. Ca m’excite…
Elle émit un gémissement de baleine alors que Wayne recula un peu affolé. Il essayait de dire quelque chose alors que la serveuse glissait sa main en dessous de sa ceinture. Bien que bourré, il n’avait aucune envie de se faire salir par une vieille pétasse paye pour faire boire ses clients.
- J’ai… j’ai la syphilis.
La fille arrêta de le toucher, dégoûté, avant de reprendre son sourire hideux.
- Et tu vas tuer qui ce soir bébé…? Dit elle d’une voix sensuelle et puante.
- Y a un mec que je veux faire parler mais je sais pas comment…
- Kidnappe son gosse ! Ca marche toujours dans les films… la dernière fois blablabla…
Quelques bouteilles de bière plus tard, Wayne sortit chancelant de ce bar merdique. Il marchait à peine, pensait encore moins mais il avait trouvé l’idée de la serveuse génialissime. Il avait fait une enquête sur les drogues que ses patrons voulaient et elles étaient liées à des puces éléctro-vamp je-sais-plus-quoi. Et le nom de M. Summer apparut. Sans vraiment penser à ce qu’il faisait, Wayne sortit l’adresse de sa poche et alors que le soleil se couchait, l’homme se de-soulait tout en marchant dans la rue. Il prit sa voiture, défonçant quelques poteaux et se rendit à l’endroit.
[Fin du Flash Back]

Puis les souvenirs se faisaient plus flous et la seule chose dont Jamie se souvienne c’est son réveil. Dans sa chambre d’hôtel, une fille ligoté dans un coin et une terrible gueule de bois.

La fille devant lui, pieds nus et le regard un peu effrayait ne ressemblait pas à la collégienne qu’il avait kidnappée sur un coup de tète. Il ne se souvenait même pas de son nom mais curieusement il était rassuré. Elle ne savait rien de très compromettant sur sa vie délinquante. Et il pourra très bien lui avouer qu’en faite, il lui avait mentit il y a cinq ans et qu’en vérité son nom était Jamie et non pas Wayne.
Mais se souvenait-il vraiment de ce qu’il lui avait raconté durant la nuit ? Et il avait mieux que personne qu’il adorait raconter sa vie, spécialement sous l’emprise de produits illicites.
C’était un miracle qu’il s’en souvienne. Ou plutôt une évidence car Cassidy lui avait passé un savon la nuit suivante en répétant « Putain de Summer et que tu crève aussi ! »
Et comme tout ce qui se rapportait à son démon était à jamais gravé dans sa mémoire, il se souvenait encore su nom de ‘Summer’.

Jamie déglutit. La fille était plutôt endurante et courir ne lui servirait à rien. Elle savait certainement se battre pour se balader pratiquement nue à Cleveland, l’attaquer serait un risque pour ses propres os. Et lui tirer dessus ? Il y a quelques années il n’aurait pas hésité mais là… Mais son arme pourra toujours l’effrayer un petit peu pour qu’elle s’en aille.
Il pourrait crier au viol ?
La fille le fixait toujours, s’impatientant quelque peu, prête à reparler.
- Bon ok. Si je ne me trompe pas, il y a cinq ans dans le Maine je kidnappais des fillettes. Et alors ? Tu veux te venger ? Je ne me souviens pas de t’avoir violé ou initié à la drogue. Alors je vais m’en aller et toi, tu ne vas ma me suivre. Et tu n’associeras plus mon visage au nom de Wayne et tout le monde sera heureux. D’accord ?…
Jamie recula commençant à s’éloigner vers le centre de la ville. Mais le cœur n’y était pas, il aurait dû la buter ou essayer de gagner son silence. Il ne risquerait pas grande chose si des loques ou des porcs apprenaient qu’il s’appelait Wayne mais on ne sait jamais. Alors il se tourna vers la fille, s’avança vers elle et se racla la gorge. Elle était plus grande que lui, mais peu importe. Il n’avait pas de complexe d’infériorité… du moins jusqu’à maintenant.
- Tes parents t’ont vendu à des démons pervers et tu veux de l’aide pour t’en fuir ?

Jamie se sentait fier de sa réplique. Après tout ceci pouvait être tout à fait vrais. Pourquoi une fille du Maine se serait retrouvée nue dans une rue de Cleveland si non ?

Tout cela paraissait tellement irréel qu’elle avait l’impression d’être en plein rêve. Ben ouais, sinon que ferait-elle en pleine rue, habillée comme une poupée russe, dans une ville tellement inquiétante qu’elle en foutait la chair de poule, pieds nus, et en train d’essayer de sortir les vers du nez à son ex-ravisseur qu’elle avait croisé dans une boîte où elle officiait en temps que fantasme se déhanchant pour des pervers paumés ? Ouais, non, la réalité ne pouvait pas ressembler à ça. Que diraient ses parents s’ils la voyaient ? Que dirait son frère ? Que dirait Nate ? Et Kyle, Tom et Allison ? Et même elle, qu’est-ce qu’elle dirait ? Elle dirait merde, j’suis grande, et si j’ai envie de me balader habillée comme une pétasse en plein milieu d’une rue où je risque de me faire violer à chaque instant, ben c’est ma vie après tout, qu’est-ce que ça peut bien vous faire ? téméraire ? Non, inconsciente. Cette ville n’avait pas les mêmes règles qu’avant, et quelque chose en elle lui disait que si elle arrivait à les comprendre à les intégrer et à les appliquer, elle pourrait sans doute retrouver le meurtrier d’Emma sans trop de problèmes. Il lui suffisait de se fondre dans la masse. Même si c’était pas gagné. Elle avait un peu froid. Et elle se demandait ce qui lui avait pris. C’était limite se jeter dans la gueule du loup. Elle avait quoi pour se défendre ? Ses talons aiguille … Ouais, dans l’œil, ça devait pas vraiment faire du bien. Mais quand même. C’était bien beau de se prendre pour une fille invulnérable, mais il fallait l’être un minimum ! Et là, devant Wayne, et bien elle ne se sentait plus si forte que ça. Elle ne savait plus vraiment pourquoi elle l’avait suivi. Le goût du risque, la poussée d’adrénaline … retombée maintenant. Elle n’était plus qu’une jeune fille un peu paumée, en face d’un pervers e drogué. Ouais, parce qu’elle s’en rappelait des belles.

Quand elle avait repris conscience après qu’il l’ait assommée, elle se trouvait dans une chambre d’hôtel visiblement, et elle était ligotée, appuyée contre le mur. Il lui avait raconté sa vie, des salades aussi sans doute. Un nom revenait souvent : Cassidy. Il s’était mis dans un état pas possible quand elle lui avait demandé en raillant si c’était son « sex friend » pour en parler autant et avec autant de ferveur. Ça avait eu un effet d’enfer. Mais il ne l’avait pas frappée. Non, il ne s’était pas montré violent avec elle, ce qui était étrange, étant donné qu’elle l’avait bien titillé et qu’il était visiblement à la fois saoul et défoncé. En fait, il lui avait dit qu’il ne savait plus pourquoi il l’avait enlevé mais qu’il devait y avoir une bonne raison. Le genre de trucs qu’on adore entendre dire quand on s’est fait kidnapper, assommer, et qu’on est ligoté. Pour rien. Enfin, elle avait joué la carte de cynisme. A seize ans. Ouais, elle était déjà solide la Jude. Surtout si vous aviez vu l’état dans lequel se trouvait Wayne et entendu les horreurs pornographiques qu’il racontait à la jeune fille. Boh, non, ça ne l’avait pas traumatisée, il en fallait plus, mais c’était le genre de trucs qu’on oubliait pas. Plus toutes ses activités illicites qu’il lui avait raconté … Elle aurait limite pu écrire un livre après avec tout ça … Enfin, ce n’était pas la question, la question c’était pourquoi ce mec prétendait ne pas être qui il était. pourquoi il fuyait. Allait-elle avoir une réponse ?

Je ne vois pas de qui tu parles. Tu sais, peut être que j’ai couché avec toi et que je t’ai plaqué mais écoutes, c’est du passé. Il faut que tu comprennes que Wayne est mort, même si je suis là devant toi. J’ai eut un trouble du comportement alors je me souviens de rien qui remonte à plus de six mois alors… tu vois… y a cinq ans dans le Maine ça me dit rien…

Elle eut un léger mouvement de recul, par réflexe. Ce mec était taré. Bon, déjà, couché avec elle, sans doute pas, non mais, il se prenait vraiment pas pour de la merde ce gars. En même temps, vu ce qu’il lui avait raconté, il devait avoir pas mal de succès dans les gargotes sordides où il traînait habituellement, avec ses airs de voyous. Oui, enfin sauf que Jude n’aimait pas franchement son style, elle les préférait plus … enfin moins … bref, elle les préférait pas comme ça. Surtout pas comme ça. N’importe quoi. Il devait vraiment avoir trop fumé. Et puis son histoire de … de double personnalité ?De troubles du comportement ? C’étaient quoi ces conneries ? Il valait mieux qu’elle s’en aille finalement. Ce mec était dangereux, fou à lier. A la limite, son porc de pote libidineux lui faisait moins peur. Encore que … mais, allez savoir pourquoi, elle ne bougea pas. L’entêtement sans doute. On ne faisait pas plus tête de mule qu’elle. Il allait se rappeler. Ou plutôt, il allait craquer, lui dire qu’il se souvenait. Elle avait toujours cette lueur effrayée au fond des yeux, mais peu à peu, elle redevait la Jude battante et sure d’elle qu’elle avait été quand elle avait envoyé bouler l’autre pervers. Et elle eut ce qu’elle voulait.

Bon ok. Si je ne me trompe pas, il y a cinq ans dans le Maine je kidnappais des fillettes. Et alors ? Tu veux te venger ? Je ne me souviens pas de t’avoir violé ou initié à la drogue. Alors je vais m’en aller et toi, tu ne vas ma me suivre. Et tu n’associeras plus mon visage au nom de Wayne et tout le monde sera heureux. D’accord ?…

Un éclat de rire lui échappa, elle n’avait vraiment pas pu s’en empêcher. Elle rejeta ses longs cheveux noirs en arrière, et le regarda avec un léger sourire. Elle avait raison, il avait fait semblant. Et elle avait gagné, forcément. Mais ce n’était pas ça qui l’avait fait rire. C’était le « je ne me souviens pas de t’avoir violée ». non, en effet, mais ce n’était pas faute d’avoir essayé. Il l’avait détachée un moment, pour qu’elle aille aux toilettes, et, à son retour il s’était montré disons … très pressant, passant ses mains sur son corps un peu partout … Mais l’affaire avait été vite réglée. Elle lui avait envoyé un coup de poing, et s’était attendue à ce qu’il devienne violent, la viole, là, pour le coup, mais non, il s’était rétracté et l’avait juste ligotée de nouveau. Que de la gueule ce mec.

Non, en effet, tu ne m’as pas violée … Une simple droite t’a remis à ta place …

Oui, et c’était assez cocasse, en y repensant. Mais elle n’allait pas s’en plaindre non plus. Ce qui l’étonnait, ce n’était pas qu’il veuille s’en aller non, c’était qu’il ne voulait pas qu’elle l’appelle Wayne . Pourquoi ? Etait-il encore poursuivi pour des faits qu’il avait commis à l’époque ? Peut-être s’était-il rangé ? C’aurait été compréhensible dans ce cas-là. comme qu’il lui ait dit devant l’autre qu’il n’était pas Wayne. Oui, tout s’expliquait. Mais bon … Elle allait lui dire au revoir, ils reprendraient tous les deux leurs petites vies.

Tes parents t’ont vendu à des démons pervers et tu veux de l’aide pour t’en fuir ?

Hein ? Se rendait-il compte que sa phrase n’avait absolument aucun sens ? Il avait encore fumé … sans aucun doute. Mais le plus intriguant n’était pas là en fait. C’était qu’il pense qu’elle l’avait suivi parce qu’elle avait besoin de lui. Alors qu’en fait, elle ne voulait que la vérité. Oui, enfin allez expliquer ça à un ancien voyou … Dur, mais elle allait le faire. Non mais, c’était pas du genre intéressée … Mais, alors qu’elle ouvrait la bouche, une idée lui apparut, lumineuse. S’il s’attendit à ce qu’elle lui demande un service, et bien soit, elle allait le faire. A quoi elle avait pensé ? Voyons, s’il y avait une chose qui comptait pour Jude, c’était savoir comment Emma était réellement morte. Et l’un de ses objectifs premiers était de mettre la main sur le dossier de police, savoir ce que ces incapables avaient trouvé, et quelles pistes ils avaient explorées. Pour elle ensuite mener son enquête. Mais ça signifiait le dérober. Dans le commissariat. Seule, elle n’avait aucune chance. Et là, miracle, une personne tombait du ciel. Quelqu’un qui avait de l’expérience dans les affaires crapuleuses. Si c’était pas le destin ça … Elle devait tenter le coup. C’était en gros, sa seule chance.

Non, en fait, vu que si je me trompe pas t’as un passé disons peu clair, j’ai besoin de toi pour récupérer un dossier au poste de police …

- « Non, en fait, vu que si je me trompe pas t’as un passé disons peu clair, j’ai besoin de toi pour récupérer un dossier au poste de police … »
Jamie fronça un sourcil. Pour qui se prenait-elle avec exactitude ? Y avait-il vraiment écrit « Corruption et Créancier » sur son front ? L’homme laissa échapper un léger sourie. Il s’attendait à une réponse négative et un départ heureux de cette fille vers le bar qui certainement était impatient qu’elle enlève le peu de vêtements qui lui reste.
- « Ecoutes, des passées peu claires à Cleveland tu en trouve à tous les coins. Des passées tranvertis, gays, meurtriers, voioleurs, fétichistes et t’auras beau chercher que tu trouvera personne sans au moins le sang d’un chien sur ses mains. Et pour ce qui est de la police rêve pas trop. Ca grouille de démons là bas. Tu te fais choper, t’as plus de cul. Si tu restes en vie c’est que Dieu existe peut être. C’est pas une ville pour se balader et je dis pas ça parce que tu es nue et… Ca s’applique à moi aussi. »
Jamie sortit l’arme de sa poche, la montrant avec lassitude à la fille qui eut un mouvement de recul instinctif. Mais il ne la menaçait pas. Au contraire, son regard avait quelque chose de dégoûté comme si les armes n’avait plus cette importance d’autre fois.
- « Tu vois ça ? » Dit il en lui montrant le révolver en question « Ca sert à rien contre eux. T’as beau tirer que ces connards sont comme de la gelé. Ca ne fait que les ralentir et te donner un peu plus de temps pour fuir. Cleveland n’est pas plus la ville tranquille où un mec se faisait dévorer de temps en temps par un démon ou un petit vampire. C’est une ville de merde ! Et moi en tant qu’humain je suis ramené à collaborer avec eux. Le mec avec qui je parlais au Velvet Dog c’est un démon… !»
Pendant son discours, Jamie n’avait pas remarqué l’expression étrange que la fille faisait. Il était là, à penser comment il s’est réduit à cette poussière humaine amené à sympathiser avec l’espèce qui a tué Cassidy. Puis un petit sourire trembla sur ses lèvres. Cassidy, lui aussi était l’un d’eux, mais il était différent, jamais il n’avait tué d’humain et il évitait les conflits meurtriers. Jamie avait le cœur bien plus pourri que lui. Créature des Anges ou des Démons, cela peut importe. Le cerveau est fait pour être manipulé par les circonstances mais l’âme restait toujours la même. Déchiré ou chérie, l’âme de Cassidy aura toujours cette douce odeur de bien. Enfin, plutôt ‘avait’ car il était mort et sûrement il n’y avait que Jamie qui le savait. Les autres s’en doutaient…

[Flash Back]

Quelques semaines après son retour à Cleveland, Jamie était entrain de pourrir dans la véranda du Wayssidy, une cigarette dans une main, Lily dans l’autre. La fumée ne pouvait pas lui faire grande peine à ce petit monstre. Elle était à moitié démon, le sang des sorciers coulait dans ses veines et elle avait l’esprit du premier des vampires. Rien ne semblait pouvoir détruire cet enfant et personne ne se doutait de sa force. A cette époque Kayliah et Charlie le regardaient bizarrement. Comment un homme qui parlait de sexe et le meurtre toutes les deux minutes pouvait changer en quelques mois, se transformant en cette loque humaine, silencieuse et anxieuse, s’occupant d’un bébé qui le tuera certainement lorsqu’elle aura grandit. Mais les pensées de Jamie étaient dirigées vers Cassidy, et loin de se douter que ceci allait devenir obsession, Jamie y pensait tous les jours, et même lorsqu’il parlait à Lily, il voyait Cassidy, lorsqu’il embrassait une femme, il avait l’impression qu’elle le séparait de son démon. Tout le monde devenait un obstacle et personne ne s’était jamais douté ce qui se passait dans sa tète et comment la moindre petite chose lui explosait le cerveau avec une voix sombre dans son âme qui hurlait le nom de son ami.
Ce fut une période funeste, où Wayne, le tuer en série, disparut totalement pour laisser place à Jamie.
Quelques semaines après son retour, il pleuvait. Pas d’une pluie forte et normale, comme il les a toujours aimé, mais de ces goûtes merdiques qui ne faisait que salir la vitre grise de sa véranda. A l’intérieur il faisait chaud et une douce odeur de café se propagait dans toute la pièce du magasin. La porte s’ouvrit et une fille entra, trop fine pour être dangereuse, trop fine pour se promener à cette heure tardive.
« - On est fermé ! » Beugla Jamie en écrasant son mégot avec lassitude sur le bord de sa chaise.
« - C’est toi Wayne Maddend ? »
Le cœur de Jamie s’emballa pour quelques instants avant de réponde calmement que non, ce n’était pas lui. Mais la fille resta de marbre le fixant avec noirceur avant d’avancer d’un pas tremblant. Elle lui jeta une photo à la gueule. Jamie la prit, gardant toujours un œil vigilant sur la fille qui dévisageait Lily maintenant.
« - Tu connaissais Cassidy, et au moins que je me trompe, il n’est pas le genre à aimer faire des photos avec des gens qui ne comptent pas pour lui. Hors de Wayne il m’en a parlé, et pas qu’une fois. ALORS TU VAS ME DIRE OU IL EST BORDEL ! »
La fille avait les larmes aux yeux alors que Jamie afficha un sourire douloureux. Sur la photo il y avait Cassy et puis lui. La seule qu’ils n’aient jamais faite d’ailleurs, à une fête foraine alors qu’ils suivaient un démon qui aimait la chaire des enfants.
« - Tu es qui ? » Fit Jamie en se levant lentement de sa chaise et y déposant Lily.
« - Naela Hramson, un de ses amies… »
« - Son ex tu veux dire ! »
Naela rougit quelque peu. Jamie avait entendu parler d’elle ; une chasseuse amoureuse de son démon… Elle n’était pas comme il l’avait exactement imaginé et Jamie sentit sa lèvre trembler.
« - Il est mort lors des explosions. » Fit-il avec sécheresse.
La fille ouvrit grand les yeux d’où commencèrent à ruisseler des larmes brillantes. Elle enlaça Jamie, tremblante et pleine de chagrin, alors que l’autre n’avait qu’une seule envie, c’est de la tuer. Qu’est ce qu’elle avait à pleurer devant lui ? Il n’avait pleuré devant personne, lui.

Quelques temps plus tard Naela raconta à Jamie toute son enquête. Elle était allé fouiller l’appartement de Cassidy, y trouva la photo et quelques autres bricoles importantes dont une copie du dossier policier du meurtre de October Teessa. Une ex de Cassidy elle aussi et sur la photo comme sur le dossier le démon avait écrit « Wayne ». Alors Naela remonta jusqu’à lui pensant qu’il pourrait lui donner un autre indice pour trouver le démon.

[Fin du Flash Back]

Jamie déglutit. Cette copie du dossier se trouvait peut être dans le comissariat elle aussi et il aurait une réponse. Cassidy savait-il vraiment que c’était lui qui l’avait tué ? Cette October pourrie qui n’avait fait que les gêner tous les deux, il y a cinq ans.

Tout remontait à cinq ans de cela. La source de sa relation avec Cassidy, cette fille à moitié nue, Mlle Summer qui le dévisageait comme s’il était cinglé et October. Oh ! Cette foutue policière qui semblait la cause de tous ses ennuis. Il lui avait fait peur deux fois, et la troisième fois, après qu’ils se soient quittés avec Cassidy dans des conditions affreuses et des insultes créatives, Wayné l’avait tué.
Il se souvient encore de ses yeux verts qui le suppliaient d’arrêter mais il n’eut aucun regret. Et maintenant tout se ramenait à Cassy et tout ce qui tournait autour du démon, lui donnait du ressentiment et de la colère. Il fallait qu’il sache si Cassidy avait découvert la vérité.

« - Mais on peut toujours essayer… » Murmura enfin Jamie alors que son cœur s’emballait de plus bel.
Si Cassidy état mort en le détestant… non c’était impossible…

Deux secondes de répit. Lui lui aurait fallut deux secondes en tête à tête avec elle-même. Elle avait eut un mouvement de recul quand Wayne avait sorti son arme, mais à vrai dire, elle ne voulait pas s’enfuir. Non, il ne s’en servirait visiblement pas contre elle. Et ce n’était pas pour ça qu’elle voulait être seule. Elle voulait au moins se pincer le bras. Ou alors faire semblant de n’avoir rien entendu, et surtout de n’avoir pas compris ce qu’il venait de lui révéler. Une autre personne se serait barrée en courant, ou lui aurait balancé qu’il était bon à enfermer. Mais pas elle. C’était la deuxième fois qu’il parlait de démons. Et il ne plaisantait pas. Et elle ne doutait ni de se santé mentale, ni de la véracité de ses paroles. Il lui fallait juste quelques secondes pour l’intégrer. Elle leva doucement un doigt, comme pour lui demander quelques instants. Temps mort. Qu’elle reprenne ses esprits. Elle se mordit profondément la lèvre. Pourquoi était-elle aussi peu surprise ? Pourquoi n’était-elle pas choquée outre mesure ? Parce que Jude n’était pas une pure cartésienne, déjà. Toute son enfance, contre l’avis de ses parents, elle s’était plongée dans ce genre de livres poussiéreux et anciens. Qu’elle avait un peu délaissés avec l’âge. Mais ça revenait très très vite. Et puis même … cette ville était trop glauque pour qu’elle n’accepte pas le fait que de simples voyous ou réseaux mafieux ne soient pas la cause du malaise ambiant. Il y avait quelque chose de démoniaque à Cleveland, elle le sentait. Alors non, finalement, ça ne l’étonnait pas plus que ça. Mais ça la chamboulait. Disons qu’un nouveau pan de monde s’offrait à elle, et qu’il y avait franchement plus rassurant. Parce que Wayne avait raison, les flingues, contre les démons, ça ne servait à rien. Et elle doutait que les conneries genre eau bénie et crucifix ne devaient pas servir à grand chose. Voyons, quoi ? de l’argent ? Du bidon aussi sans doute … Un bon exorcisme. Ouais, enfin là maintenant tout de suite, elle ne se souvenait plus. Et sans aucun doute les exorcismes de ses livres d’enfant ne devaient pas être des bons. Alors bon …

Mais euh, deux secondes de plus svp. Si les démons existaient, les autres trucs aussi ? Non mais genre …

[Flash-Back]

Ah, n’empêche, ce prof de droit politique …

Soupir d’extase à trois voix.

Oh, arrêtez les filles, vous avez vu le minet que c’est ? Je parie qu’il est homo.
Combien tu paries Kyle ?

Une voix assurée, Tom avait le regard de celui qui en sait beaucoup.

Oulah, t’as des infos toi !
Ouaip, je l’ai vu en train de peloter la bibliothécaire à midi…

Les réactions ne se firent pas attendre :

Oh non …
Ro, mais elle est trop moche elle !
C’est vrai, franchement, on est mieux !

Un éclat de rire secoua le salon. Et, comme en réponse, l’ampoule se mit à clignoter. Allison poussa un hurlement apeuré et se signa trois fois, sous les regards surpris de ses quatre amis.

Euh, tu nous fais quoi là ? railla Kyle, plus qu’amusé.
Je … enfin, quand la lumière grésille, c’est signe qu’il y a des esprits.
Des esprits ? Ben voyons …
T’as trop regardé Ghost ma vieille …

Jude resta silencieuse un moment, observant Allison. Elle paraissait réellement effrayée.

Et pourquoi pas après tout ?
Oh, non, Baby J, tu vas pas t’y mettre ?
C’est ridicule … Tenez, vous savez quoi, on a qu’à faire une séance, ça calmera tout le monde.
Ah non, trop dangereux !

[ … ]

Esprit, es-tu là ?

Emma ne put s’empêcher de pouffer, serrant la main de Jude.

Sérieusement, on a l’air ridicules.
Chut, on y arrivera pas … Esprit, es-tu là ?

Et soudain, la lumière s’alluma. Hurlement de peur des cinq compères.

Euh … on peut savoir ce que vous faites ?

En effet, ils offraient un tableau plutôt bizarre, tous les cinq se tenant la main autour de la table du salon, avec bougies, verre et lettres découpées dans du papier. Une rouquine morte de rire, un mec baraqué avec l’air complètement blasé, un plus cool qui essayait de rester sérieux, une petite blondinette qui était terrorisée, et une brune qui eut un grand sourire :

Mr et Mrs Ticks ! Vous êtes rentrés plus tôt que prévu ?

Les parents de Kyle venaient de débarquer dans leur petite assemblée. Et ils avaient sérieusement l’air ridicules.

Oui, notre séance a été annulée …
La nôtre aussi, visiblement, souligna leur fils Kyle en se levant.

[…]

il était temps pour eux de s’en aller, ils avaient épuisé la pile de DVD, et les parents de Kyle n’appréciaient pas vraiment que le bruit de leur conversation les empêche de dormir. A cinq heures du matin, c’était compréhensible. Jude attrapa sa veste, jetant un regard inquiet à Allison. Elle n’avait pas desserré les dents depuis leur séance avortée de spiritisme. elle prenait tous ces trucs là vraiment trop au sérieux. Elle fit la bise à Tom, à Emma et … un hurlement à lui glacer les dents lui atterrit dans l’oreille. Elle cria, sursauta, l’ampoule au-dessus grésilla et elle se retrouva face à un Kyle hilare. Auquel elle fila une légère tape.

[Fin du Flash back]

Elle était blême. Si ça existait vraiment… les possessions aussi ? Parce qu’après cela, il y avait souvent eut des appareils qui déconnaient quand ils étaient dans le coin. Un d’entre eux étaient possédé … On pouvait écarter Emma, elle n’était plus vraiment en état. Humour noir pour ne pas pleurer. Et elle également. Elle s’en serait rendu compte, si elle était possédée. Ouais, la possession laissait des vides dans la mémoire, si elle se souvenait bien des livres qu’elle avait lus. Donc … Allison en aurait parlé. Tom .. aussi. Kyle alors. Ouais, le genre de macho à ne pas dire qu’il avait des absences. Oh putain. Tout ça prenait une tournure de plus en plus désagréable. Ses yeux tombèrent de nouveau sur Wayne. Plus tard. Chaque chose en son temps, son cerveau était déjà sur le point d’exploser. D’abord récupérer le dossier d’Emma. Le reste, après. Ça pouvait attendre. Pas tant que ça, mais un peu quand même.

Elle prit sur elle pour refouler tout ça dans un coin de sa mémoire. Ce n’était pas le moment de péter les plombs. Surtout qu’il venait de lui dire oui. Enfin, qu’ils pouvaient essayer. Un peu qu’ils allaient essayer. Maintenant. Si elle prenait le temps de réfléchir, elle ne le ferait pas. Et si elle LUI laissait le temps de réfléchir, il ne le ferait sans doute pas non plus. Alors …

Ok. Maintenant. Juste le temps de retourner au Velvet … que je récupère mes fringues. A moins que les (elle buta sur le mot) démons ne se laissent impressionner par des tenues indécentes.

Un sourire qui se voulait enjoué. Qui reflétait de la peur. Elle se savait en train de commettre une folie. Allez, courage. Pour Emma.

Let’s go … Jamie.

Elle acceptait ses règles, il acceptait les siennes. C’était le marché que sous-entendait ses paroles. Et, sans attendre de réponse, elle le contourna et se dirigea de nouveau vers le bar.

Il laissa la fille s’éloigner un peu, scrutant son ombre comme si toute la vérité y avait été inscrite. Un peu avant, quelques jours à peine, sa vie morne de détective de la providence n’avançait pas, quelques mois déjà il essayait de deviner une vérité noyée dans les mensonges qu’il avait crée lui-même. A force de se mentire pour mieux se sentire, ou avoir des émotions autres que celles aux quelles on n’y échappera pas, on se perd et on ne sait même plus quel est son vrai nom.
Jamie soupira, au moins Summer ne l’appelait pas Wayne, mais après tout il savait que cela ne lui fera rien. Il eut tellement de nom dans sa vie qu’il pourrait hésiter de croire que c’était l’original. L’homme suivit la fille d’un pas nonchalant et il ne fallait pas être grand philosophe pour deviner son hésitation car il savait qu’il n’arrivera à rien en obtenant le dossier d’October qui d’ailleurs, n’était peut être pas dans le commissariat. Mais sa situation était tellement désespérante et sans autre issue qu’il ne voyait que deux solutions ; rentrer chez soi et se morfondre sur son sort ou alors tenter une mission suicide.

Il y a quelques temps il n’aurait pas hésité d’aller se jeter dans la gueule du loup car son tempérament lui empêcher de penser comment il allait s’en sortir, il était tout simplement, aveuglement et désespérément persuadé qu’il allait survivre à tout. Et c’était le cas, car il était toujours vivant et en plus humain après tous les dangers inutiles qu’il s’est infligés avec joie et bonne humeur. Cette soif d’action s’était évanouie après la mort de Cassy, ou peut être il essayait juste de se persuader qu’il n’avait plus cette envie de se moquer de ses ennemis dix fois plus forts que lui. Il se serait sentit coupable. C’était bien ça le problème, la culpabilité l’aurait gagné s’il avait jouit de la douleur et de la bêtise des mostres alors que Cassidy était mort et mangé.

Pendant que la fille entra dans le bar il lui cria qu’il allait l’attendre dehors. Summer se retourna et hocha la tête avant de s’évanouire dans la fumée de Velvet Dog. Il s’en souvenait à peine de cette histoire de kidnappage mais il n’essayait pas de forcer sa mémoire car elle l’avait trahi plus d’une fois. C’était une des raisons pour les quelles il n’aimait pas les amis de longue date et qu’il lui était impossible de travailler pour soi même. Il avait toujours eut le besoin d’être dirigé, de quelqu’un qui lui donne un but. Mais maintenant il était seul car il abandonna de son plein gré son organisation londonienne pour se donner une mission, celui de venger Cassidy. Il ne s’était pas encore rendu compte du ridicule de ce but car il le savait bien, il n’avait pas la vengeance dans la peau. Wayne était le genre de type à cogner sur le moment ou à oublier, de nature non rancunière, taper son pire ennemi ou une femme enceinte lui aurait donné la même sensation. Il se souvient que c’était exactement le trait de caractère qui effrayait le plus Cassidy, ce « je-m’en-foutisme » absolu et cette absence de dégoût ou d’une quelconque autre émotion lorsqu’il fouillait les cadavres en décomposition. L’unique chose qui aurait pu l’énerver c’est salir ses vêtements.
Non, décidément ils ne se ressemblaient pas, du moins avant. Aujourd’hui c’était comme s’il avait reprit la personnalité gentille et molle de Cassidy Graham. Oui, Wayne et Cassidy ont donné un Jamie plein d’émotions inconnues jusqu’à maintenant.
Tout était confus dans sa tête et il n’aurait pas pu se détacher de cette schizophrénie consciente au moins d’avoir un choc et de se faire torturer jusqu’à accepter que oui, en effet, tout ce qu’il avait besoin en ce moment c’était tuer et retourner à cet état de sauvage humain qu’il a toujours été. Mais Jamie était également une personne qui savait mieux que personne se mentire à soi même et c’était ce qu’il l’empêchait de croire que Cassidy était mort en sachant que l’assassin d’October n’était personne d’autre que lui.

L’homme s’adossa contre le mur, sortant une cigarette violette, sa marque londonienne, la capitale qu’il aimait croire comme la sienne. Les Albatros ne se vendaient pas en Amérique, ou alors fallait bien chercher, mais ces vendeurs débiles croyaient qu’il parlait d’oiseaux et non de cigarette lorsqu’il demandait des Albatros.
La cigarette se hissa au coin de ses lèvres trop habituées à ce rituel maladif. La flamme entre ses mains alla allumer le bout et le tabac, le cyanure, le dieu ne sait quoi se glissa dans ses poumons noirs pour l’approcher un peu plus de la mort. Mais de toute façon Jamie en tait certain, il n’allait pas mourir de cause naturelle si on case le cancer du poumon comme naturel.

La nuit se faisait plus intense et le froid glaçait son nez humide et le vent essayait d’éteindre sa cigarette. C’était une belle image de l’homme qui n’a rien d’autre à faire qu’à attendre sa fin ; il y a ceux qui naissent, ceux qui meurent et ceux qui attendrent patiemment ; torture perpétuelle et agréable. Les gens, les démons et les petites humaines sortaient et entraient du bar et leur affolant manque d’originalité lui donnait mal à la tète. Un signe, un détail ou comment distinguer les hommes banaux des autres hommes, tout aussi communs. Leur enfance détruite il la voyait, leur vie ratée, il la voyait et cette impression d’avoir réussi quelque chose alors que leur existence était plus minable que la sienne, Wayne la devinait mieux que personne. Même la Summer et son assurance, son impression de dominer la situation… il aimerait la voir à l’instant où elle se rendra compte qu’elle n’est rien d’autre qu’une carcasse à l’ambition humaine qui rend laid.
Le temps était trop long, presque éternel et il supplierait une puissance supérieure de venir le sauver des bras de l’ennui mais il avait la malchance de ne croire qu’à ses mensonges et donc il ne croyait pas en Dieu.
Un peu de divertissement, un peu de violence gratuite, comme autre fois, c’est tout ce qu’il demandait. Avoir le courage de devenir comme avant même si Clevenad n’était plus la même, même si Cassidy n’était plus là.

Jamie poussa la porte du bar et alors qu’un démon plutôt baraqué se dirigeait vers la sortie, tenant par la taille une fille à peine plus âgée que Summer lors de son kidnappage, l’homme lui colla une droite. Son poignet craqua tout comme la table sur la quelle le démon sonné atterrit. La fille poussa un cri et Jamie soupira son soulagement et son contentement avec une grimace douloureuse. Il secoua lentement son poignet jurant et riant au fait que cela faisait bien longtemps qu’il ne s’était pas sentit de cette façon.
Il aperçut la Summer le dévisager au loin et un sourire étrange, tout comme ceux d’autre foi s’afficha sur ses lèvres d’assassin en veille.
- « Considérons ça comme un petit entraînement avant la grande bataille ! »

Alors qu’elle remontait le trottoir jusqu’au Velvet Dog, marchant silencieusement, son ombre se découpant à la fois sur le mur et sur le sol, Jude ne pouvait s’empêcher de penser que tout ceci ne devait pas être réel. Non, pardon, ne devrait pas être réel. Juste le fruit d’un cauchemar particulièrement délirant. Voyons, si on reprenait cette soirée étrange par le menu, on obtenait une salade de bizarrerie. Ça commençait pas un cocktail avec du rhum. Bon, encore… Puis une sort de scène. De la musique de la lumière. Et elle, qui dansait aux yeux de tous, ses jambes moulées dans un incroyable pantalon en cuir noir, faisant ressortir les lignes fuselées de cette partie de son anatomie, portant un bustier rouge qui ne laissait aucun mystère sur les courbes de son buste. Perchée sur des talons-aiguilles, qu’elle exécrait plus que tout au monde. En train de se déhancher de manière plus que suggestive, faisant oublier momentanément tous leurs problèmes à tous les mecs de la salle. Cette recherche, d’un quelconque informateur dans la salle. Lui disant qui aurait tué l’une de ses meilleures amies et pourquoi. On aurait dit limite Mata Hari en plus sexy et plus actuelle. Et puis cette incroyable vision. De cet homme, qui l’avait enlevée cinq ans auparavant sur un coup de tête. Qui prétendait ne pas l’être d’ailleurs. S’enfuyant devant elle, comme si elle l’effrayait. Son gros porc d’ami, lui faisant clairement une proposition. Elle, l’envoyant chier. La conversation qui avait eu lieu ensuite. La révélation. Parler ouvertement de démons. La prise de conscience. Que l’un de ses amis était possédé. Et puis ce pan, complètement dingue. Faire un casse au commissariat, dans lequel ils pourraient avoir des problèmes pires qu’avec la justice et ne seraient en plus pas en mesure de se défendre avec des armes normales. Et là, elle allait récupérer une tenue normale avant de se jeter dans la gueule du loup avec un mec louche qui se droguait et buvait sans aucun doute, et qui en plus connaissait des démons. Et elle, elle s’appelait Jude Summer, originaire du Maine, fille sans histoires, étudiante en droit. Bien sûr, on y croyait. Qu’était-elle venue faire dans ce merdier ? Si seulement elle le savait …

Elle retrouva bientôt l’atmosphère enfumée et très particulière du Velvet Dog. Jamie lui dit qu’il l’attendrait dehors, et elle lui répondit d’un simple signe de tête. Elle irait plus vite seule de toutes façons. Glissant entre les gens, comme si elle exécutait quelques pas de danse, elle se fraya un chemin jusqu’à l’arrière de la salle, tant bien que mal. Un coup d’œil au podium l’informa que c’était désormais le tour de Cindy, la rousse sulfureuse. Donc, belinda était partie. Bien, elle n’aurait pas à essuyer une nouvelle vague de questions auxquelles elle n’avait aucune envie de répondre. Et de toute façon, tout ce qu’elle dirait ne changerait rien. Belinda s’était en effet mise en tête qu’elle était une prostituée pour riches, et que les sous-fifres de ses employeurs essayaient de la tirer quand ceux-ci n’étaient pas dans le coin. Très charmant. Et totalement faux et tiré par les cheveux. N’importe quoi. Bref, ce n’était pas la question du moment. Elle poussa une porte « réservé au personnel » et entra. Au bout du couloir, à droite, la « loge » des danseuses, c’est à dire un paravent miteux avec de nombreux trous dedans qui tendaient à montrer qu’il ne servait à rien d’essayer de se cacher ici, quelques tables vieillies et des miroirs fendus. Rien vraiment d’une loge de première ballerine. Ce que cela n’avait de toute façon pas à être. Les affaires de Belinda avaient en effet disparu, ce qui arracha un soupir de soulagement à la jeune femme. Rapidement, elle ôta son « habit de lumière », qu’elle replia délicatement et qu’elle rangea dans son sac, pour ses vêtements à elle. Jean, baskets, chemise et veste. Elle s’attacha également les cheveux en un chignon ébouriffé, pensant à juste titre que ce serait plus pratique. Elle était vraiment différente, sans ces fringues de catin. Et elle se plaisait énormément plus comme ça. Seulement, les habits … font le moine, sisi. Quelque chose avait disparu en elle, cette espèce de confiance aveugle qu’avait cette poupée sublime. Elle se trouvait … paumée.

Lentement, elle s’arrêta dans sa route vers la porte et revint sur ses pas. Posa ses fesses sur la table et ses pieds sur la chaise. Et laissa tomber sa tête dans ses bras, découragée. Elle n’était qu’une jeune femme de vingt et un an, de bonne famille, qui avait claqué la porte au nez de son père et était partie faire ses études. Rien de plus. pourquoi tout cela lui tombait-il sur le coin du nez ? Elle n’avait rien demandé. L’une de ses meilleures amies était morte dans des circonstances mystérieuses, elle avait décidé de rouvrir l’enquête par ses propres moyens, elle se trouvait dans une ville qui puait le vice et les maléfices, était hantée par le souvenir d’un mystérieux inconnu qu’elle avait surpris chez lui en serviette, travaillait comme danseuse dans une boîte louche sur la foi d’un simple message anonyme glissé sous sa porte. Qui pouvait très bien n’être en fait que l’action d’un pervers qui avait envie de la voir danser à moitié nue plusieurs soirs par semaine. L’horreur totale en gros. Et maintenant, elle allait faire un casse au commissariat en compagnie d’un mec qui réfléchissait avec son bas-ventre et son paquet de cigarettes pour essayer de dérober le dossier de l’amie disparue. Une vrai galère. Elle n’était pas Wonderwoman, elle n’était pas une espionne de choc … autant laisser tomber, hein ? Prendre la voiture, repartir se réfugier dans les bras de son petit ami qu’elle n’aurait jamais du quitter et faire une croix sur toute cette histoire… Mais une image dans son esprit la fit brusquement se ressaisir. Une jeune femme, rousse, aux traits sublimes glacés pour l’éternité, dans un cercueil. Non. Elle ne reculerait pas. La mort d’Emma devait être vengée. Point. Décidée, elle attrapa son sac et sortit. Le couloir froid, puis de nouveau l’atmosphère étouffante de la boîte. D’un pas décidé, elle se dirigea vers l’entrée, quand …

Baby J !

Ses yeux se braquèrent immédiatement sur celui qui venait de l’appeler. Le barman. Ses sourcils se froncèrent alors qu’il lui faisait de grands signes. Resserrant son sac contre elle, elle se fraya un chemin dans la foule de corps dansants. Et lui fit bientôt face.

Oui, Josh ?
Tu pars avec lui ?

Elle pencha doucement la tête sur le côté. Mais elle n’arriva pas à sourire. Elle détourna le regard.

Oui …
Ça n’a pas l’air de te rendre heureuse …

Là, elle plongea ses yeux interrogateurs dans ceux du jeune homme.

Ça devrait ?
C’est pas ton petit ami ?
Non .. bien sûr que non …
Ah … C’est un type louche.
Je sais.

Elle se détournait déjà, quand il lui attrapa doucement le poignet.

Jude … Ecoute. T’es une fille bien, et sincèrement, je ne sais pas vraiment ce que tu fais ici. Je te demande pas de me le dire, ni rien, mais ici, on est tous plus ou moins louches …
Toi, tu es louche ?
Je … deale …
Ah … T’as rien glissé dans mon cocktail j’espère ?
Non …
Je plaisantais.
Bref … je veux te donner ça …

Et il fit glisser deux objets vers elle. Qu’elle attrapa. Et les examina. Un revolver. Et une fiole étrange.

Le flingue est chargé avec des balles en argent … c’est pas très efficace avec certains … mais ça les retarde suffisamment pour que tu prennes la fuite. Et l’autre … de l’eau bénie. Ça …
Indispose les démons ?
Tu me prends pour un fou …
Non, pas du tout. Merci …
Prends soin de toi, Baby J.
Promis.

Elle déposa un baiser sur sa joue, avant d’embarquer le matériel. Ça lui serait utile, sans aucun doute. Elle glissa la fiole dans son sac, et coinça le flingue dans son jean, derrière, comme elle avait vu le faire dans les films. Le contact de l’arme la rassura … un peu. Elle savait se servir de ce genre de joujou. Elle se glissait vers la sortie quand elle vit Jamie flanquer une droite à un homme. Etonnée, elle le fixa un long moment après ses paroles. Se reprendre. Ça ne faisait que commencer. Elle afficha un sourire assuré sur ses lèvres, perdant pour le reste de la nuit cette expression de petite fille. Elle puisait une force au fond d’elle-même, elle ne savait pas d’où … mais qui lui donnait une impression de toute puissance assez grisante. Elle sourit à Jamie, et passa devant lui :

Et bien … Partons. Ne faisons pas attendre la guerre …

>>>suite au commissariat

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