Accorder son pardon est une forme de courage. (Pv Gabriel)

Toujours perchée au sommet d’un arbre, Pearl se pencha vers l’avant pour tenter de comprendre d’où provenait ces bruits de pas. Elle ne pouvait donc être tranquille nulle part ? Le regard plissé et perçant, elle restait à l’affût d’une moindre présence humaine ou démoniaque. Plusieurs effluves se mélangeaient. Il y avait un homme non loin d’elle, elle pouvait le sentir mais il n’était pas seul… Ce qui expliquait tout ce remue-ménage. Il y avait aussi une odeur animale, une senteur qui ne lui était pas inconnue. Un lycanthrope mêlé à un arôme : le sang. Etait-il blessé ? D’où elle était, elle ne parvenait pas à dissocier les deux formes mouvantes entre les arbres. Cependant, elle ne passa pas à côté du hurlement que le Chasseur poussa. « Reviens, sale bête ! » De toute évidence, le loup-garou se faisait pourchasser, et son état de santé était critique.

Comme dans l’attente d’un spectacle qui valait le coup d’œil et la bouche mi-ouverte, la Vampire souriait presque tant ce qui se passait l’intéressait. Hautement installée sur une branche, elle était certaine de passer inaperçue, et que le Chasseur ne remarquerait même pas sa présence. Bien trop concentré sur la capture de son loup-garou. Elle n’avait rien à perdre et jouissait presque à l’idée qu’un Lycanthrope allait en finir avec la vie sous ses yeux ébahis. Un coup de feu retentit, transperçant le silence mystérieux de la vallée. Tout se déroula à une vitesse folle. Le loup reçut plusieurs coups. Son cri intimida même Pearl qui ne se sentait plus aussi rassurée qu’avant. Il y eut un second coup de feu avant que le loup-garou ne passe à vive allure sous l’arbre dans lequel elle se trouvait. A cet instant précis son regard se figea sur un point invisible droit devant elle. La créature blessée dont elle se moquait, depuis quelques minutes déjà, était en réalité Gabriel. Elle sentit comme un vent de panique lui traverser l’échine. Ce ne pouvait pas être lui… Elle était en mesure de ressentir la détresse ainsi que la faiblesse de l’animal à cet instant. Prise au dépourvu, et ne sachant que faire, elle se mit debout sur la branche et essaya en vain de voir où il était allé se cacher. Elle ne pouvait pas rester là, les bras croisés, et regarder ses forces s’amenuiser jusqu’à ce que la mort le frappe de plein fouet.

Sans réfléchir d’avantage, elle laissa son instinct de survie parler pour elle. Et sans s’en apercevoir, ses canines prirent de l’ampleur, gagnant quelques centimètres. Lorsque le Chasseur passa à son tour sous son arbre, elle se jeta dans le vide et bondit sur lui, comme sortie de nulle part. Sachant que Gabriel devait se trouver à quelques mètres d’eux, dans un état déplorable proche de l’agonie, elle se sentit obligée de le protéger. Avec une colère démesurée, elle planta ses crocs dans la tendre nuque de l’homme et s’empara de son sang tandis que son bras, placé sous son menton, enserrait fermement son cou pour lui pencher la tête vers l’arrière et l’empêcher de se débattre. Telle une bête assoiffée et enragée, elle se délecta de chacune des gouttes de cette boisson rouge qu’il pouvait lui offrir. Pris par surprise, l’homme ne parvint pas à se défendre de cette brusque attaque. Rapidement, Olsten fût vidé de son sang. Le teint blafard, il s’écroula au sol dans les feuilles mortes lorsque la Vampire daigna enfin le lâcher. Le menton ruisselant de liquide rougeâtre, elle dégagea de sa trajectoire le corps inerte de l’homme à l’aide de son pied. Marchant d’un pas hésitant, elle s’insinua entre les arbustes avec méfiance, craignant de tomber sur l’animal devenu incontrôlable. Elle le savait blessé. L’odeur du sang finirait bien par la mener à lui, il avait besoin d’aide.

- Gabriel ? Murmura t’elle d’une timide voix. Au fond d’elle, elle avait la curieuse impression de n’être qu’une simple humaine craignant la méchante bête qui pouvait la tuer à tout moment. Le regard inquiet, elle repoussait une à une les branches qui obstruaient son passage, sa respiration s’accentuant à chacun de ses pas.

On ne peut plus anxieuse, la Vampire continua son ascension, craignant à chacun de ses pas de croiser la bête qu’elle cherchait. Elle souhaitait lui venir en aide, bien sûr, mais la peur était présente et ancrée en elle. Jamais elle ne l’avait côtoyé sous sa forme animale. Pour une rare fois, elle n’agissait pas de façon irréfléchie. Pleinement consciente des risques qu’elle encourrait, elle faisait extrêmement attention où elle mettait les pieds. Une main posée sur une haute branche qu’elle repoussa doucement et elle stoppa sa marche, se retrouvant face au lycanthrope étendu sur le sol. Les yeux grands ouverts, elle déglutit difficilement sa salive, ne sachant que faire. S’approcher délicatement de lui pour ne pas le brusquer ou bien le laisser venir à elle ? Alors que son pied droit s’avançait de lui-même, le cri déchirant de la créature la fit aussitôt reculer de plusieurs mètres, si bien qu’elle percuta une pierre et chuta dans un tas de feuilles mortes. Les yeux braqués sur Gabriel, elle ne cilla pas, et observa la transformation avec effroi. Jamais elle n’avait assisté à un spectacle aussi affreux et impressionnant. Elle en était mortifiée. Pour assurer sa propre survie, elle ne fit aucun geste dans sa direction, restant suffisamment loin de lui pour ne pas qu’il l’atteigne. Les secondes s’écoulèrent telles des heures, Pearl finit par fermer les yeux face à tant de souffrance qu’elle n’était pas en mesure de supporter. Puis soudain, il n’y eut plus aucun bruit. Ouvrant un œil puis le second, la jeune femme poussa un léger cri de surprise en voyant le corps de Gabriel, inerte et ensanglanté. Avec rapidité et maladresse, elle se remit debout et courut jusqu’à lui avant de se jeter sur les genoux.

- Gabriel… Souffla t’elle pour elle-même. Sa main glissa dans ses cheveux avec une infime douceur. Tu n’as pas le droit de mourir… Poursuivit-elle, le regard apeuré. Tu ne peux pas me laisser ! Le ton de sa voix avait subitement triplé de volume. Elle détacha la seule attache de sa cape noire et la déposa sur le corps nu du jeune homme. A la seule force de ses bras, la Vampire le souleva du sol, le maintenant ainsi contre elle.

Avec détermination, elle parcourut plusieurs centaines de mètres avec le jeune homme dans les bras. Elle devait avant tout remercier sa nature vampirique pour la force décuplée qu’elle possédait. Après quelques bonnes minutes de marche, Pearl regagna son domicile, un vaste et luxurieux appartement, sans doute un peu trop grand pour une seule personne. Situé au dix septième étage d’une tour, la vue était magnifique. Mais une fois à l’intérieur, elle posa lentement Gabriel sur le lit de sa chambre, s’écroulant par la suite au sol en un fort soupir. Ne préférant pas prendre de risque, elle trouva le courage de se relever et descendit chacun des stores de l’appartement. La peur lui montant à la tête, elle n’avait plus aucune notion du temps, elle ne savait plus si le Soleil allait se lever dans l’immédiat ou dans quelques heures.

Elle revint au chevet du jeune homme avec une bassine d’eau tiède et diverses compresses blanches. Posant le tout près d’elle, elle vint s’asseoir sur le bord du lit à ses côtés. A l’aide de plusieurs compresses qu’elle humidifia, elle nettoya chacune des plaies atroces dont son corps inconscient était marqué. Il y eu du travail. Elle mit du temps à tout désinfecter et panser ses blessures. Heureusement pour lui, aucune trace d’argent n’était détectable, le métal avait du le traverser et ressortir aussitôt. Sa peau était de nouveau propre, certes bandée à divers endroits, mais il ne donnait plus l’impression d’être recouvert intégralement de sang.
Après l’avoir recouvert d’un fin drap de soie noire, Pearl vint s’allonger à ses côtés, sa tête posée sur son épaule non abîmée. Sa main caressa machinalement son torse du bout des doigts durant plusieurs minutes. Mais bientôt la fatigue prit possession d’elle, au dehors le jour s’était sans doute levé… Elle cessa tout mouvement tandis que sa paume s’échouait sur son torse. Elle s’était endormie.

Paisiblement endormie, Pearl entamait tout juste sa « nuit » de sommeil. Lorsque le Soleil se levait, il était l’heure pour les personnes de son espèce d’aller dormir, comme s’il était extrêmement tard. Ce qui était le cas en quelques sortes. Cela faisait déjà de longues heures qu’elle veillait. Il arrivait un moment où son corps réclamait un temps soi peu de repos. Bien entendu, elle n’abandonnait pas Gabriel, elle… piquait juste un petit somme. Elle n’était pas conditionnée pour rester éveillée la nuit et le jour, le tout enchaîné sans pause. Le Lycanthrope était bien trop blessé pour reprendre ses esprits aussi rapidement, du moins était-ce là l’idée qu’elle s’était faite avant de se laisser bercer par les bras de Morphée. Elle n’était pas infirmière dans une vie antérieure et ne connaissait pas grand-chose en médecine, prodiguer des soins ne faisait pas parti de sa vie quotidienne. Son corps faisait tout à sa place. Le temps guérissait chacune de ses blessures, et elle en avait presque oublié qu’il n’en serait jamais de même pour Gabriel, il n’avait rien d’un Vampire…

Lorsque le jeune homme s’extirpa de son drap pour se remettre debout, le bras de Pearl tomba mollement sur le matelas sans même que cela ne la réveille. A priori, elle semblait profondément endormie, prête à rattraper ses heures de sommeil manquées. Ayant un sommeil pour le moins lourd, elle ne l’entendit pas se précipiter dans la salle de bain pour régurgiter l’ensemble de ses repas passés. Mais lorsqu’il se jeta presque sur le lit, à cause de son mollet blessé, pour s’allonger de nouveau à ses côtés, la Vampire ouvrit doucement les yeux tout en émettant un faible gémissement de protestation. D’un air endormi, elle l’observa pendant plusieurs secondes avant de réaliser qu’elle l’avait bel et bien emmené chez elle alors qu’elle aurait très bien pu le laisser à l’abandon dans la vallée, à l’agonie. Avec empressement, elle se redressa brusquement, ses mains glissant sur le drap de soie.

- Tu es réveillé ? Elle se massa le derrière de la nuque, signe de gêne, son regard vairon clignant inlassablement à plusieurs reprises. Son visage était marqué, le reste de son corps aussi d’ailleurs, comment avait-il pu en arriver là ? Ne te fais pas de fausses idées… Je n’ai pas abusé de toi, que les choses soient claires. Balbutia t’elle avant de se mettre debout d’une façon maladroite. Non pas que le fait d’avoir un homme nu dans son lit la dérangeait d’une quelconque manière, mais il s’agissait de Gabriel… Pas d’un vulgaire humain ramassé sur un trottoir. Elle fit le tour du lit pour au final venir près de lui. J’étais là quand ce Chasseur t’a attaqué… A l’heure qu’il est, il ne pourra plus te faire de mal. Le regard tendre qu’elle lui adressa à cet instant laissait entendre que son acte était comme une preuve d’amour. Elle avait tué pour lui. Consciente qu’elle s’emmêlait les pinceaux au fur et à mesure qu’elle ouvrait la bouche, elle se dirigea vers une imposante armoire d’un bois rare et ancien. Le meuble donnait l’impression d’avoir plusieurs siècles. Elle ouvrit la porte de ce dernier et caressa un pantalon du bout des doigts avant que sa main ne se referme dessus avec force. Les affaires de Tobias étaient encore chez elle, après tout ce temps… Elle n’était pas parvenue à tirer un trait dessus. Tiens… Mets au moins ça. Elle venait de se retourner pour lui montrer un caleçon, qu’elle vint déposer sur la table de chevet. Et s’il le souhaitait, elle mettait à sa disposition un pantalon qu’elle posa aussi. Je pense que vous faites la même taille. Elle croisa nerveusement les bras et le fixa avec attention. Comme d’habitude, elle parlait beaucoup trop et ne lui avait pas vraiment laissé le temps d’en placer une… D’une voix bienveillante, elle lui demanda : Est-ce que tu as besoin de quelque chose en particulier ? Ses yeux se posèrent sur son mollet dont le bandage l’entourant était déjà imbibé de sang, dû à l’effort physique qu’il avait fourni.

Pearl n’était pas non plus pudique. Et la vue d’un homme en tenue d’Adam ne la dérangeait pas outre mesure, mais allez savoir pour quelle raison, elle se sentait gênée devant lui. A ses côtés, elle redevenait cette adolescente effarouchée et timide qu’elle était dans le passé, lorsqu’elle était encore humaine. Tant de sentiments étranges se mélangeaient en elle, qu’il y avait de quoi perdre la tête.
A sa première réponse, elle hocha simplement la tête et l’observa tâter son corps comme s’il découvrait chacune des blessures que le Chasseur lui avait infligées. Elle demeura silencieuse durant ses diverses contorsions. Sans doute faisait-il tout cela pour juger de son état. De son côté, elle n’avait pas conscience que certaines de ses côtes étaient brisées, vu de l’extérieur cela passait incognito. Elle ne bougea pas, étant toujours en retrait, mais restant tout de même à son service. Bien qu’étant extrêmement fatiguée, la Vampire ne faiblissait pas et attendait de voir la suite. Il lui réclama de l’eau, et elle s’exécuta. Elle disparut dans un couloir menant à la cuisine et revint avec un grand verre d’eau, qu’elle lui tendit après s’être assise sur le bord du lit. Encore une fois, elle le fixa intensément, guettant ses moindres faits et gestes.

- Tu sais… Ici, je ne pourrais pas t’être d’une grande utilité. Il fait déjà jour dehors. La jeune femme baissa le regard et fit glisser machinalement sa main sur le matelas, triturant un bout de drap au passage. Tu as besoin de soins importants. Peut-être devrais-tu te rendre à l’hôpital. Dans la mesure où tu pourrais te déplacer… Ajouta t’elle finalement avant de le regarder dans les yeux. Elle voulait uniquement son bien. Là-bas, ils sauraient lui prodiguer les soins nécessaires pour le remettre sur pied. Elle devait bien admettre que dans le cas présent, elle ne lui était pas d’une grande aide. Tu as forcément des proches qui s’inquiètent de ton absence, en plus… Sa dernière phrase fût dite avec une certaine difficulté, et une pointe de remord. Elle posa sa main froide sur le bas-ventre de Gabriel et la remonta très lentement jusqu’en haut de son torse.

Soupirant brusquement, Pearl se tourna dos à lui, les coudes posés sur les genoux et la tête enfouie dans ses mains. La situation avait des allures dramatiques, comme si Gabriel était sur le point de donner son dernier souffle. Mais en réalité, ce qui la perturbait plus que tout, c’était son incapacité à pouvoir l’aider d’avantage. Elle se sentait comme inutile, et ce sentiment la bouffait de l’intérieur. Je suis désolée… Lâcha t’elle alors soudainement. Pour l’autre soir. Jamais je n’aurais du te mordre. Ressasser le passé n’était bon pour personne, mais Pearl le faisait régulièrement. Elle se retourna vers lui et se rapprocha de quelques centimètres pour être assise un peu plus haut sur le lit, au niveau de son ventre. Elle posa sa main de l’autre côté de son torse, contre le lit, le bras tendu, étant ainsi penchée sur lui. Tu as besoin d'autre chose ? Lui demanda t’elle, faisant référence au verre d’eau. Après tous les coups qu’il venait de recevoir, il aimerait sans doute avoir autre chose que cette boisson humaine…

En effet. La pauvre dame se sentait bien inutile ainsi à ses côtés, impuissante. Si elle avait pu transmettre son pouvoir de régénération, elle l’aurait très certainement fait dans le cas de Gabriel. Malheureusement, elle ne pouvait strictement rien faire. Pas plus que lui, en tout cas. Juste attendre, c’était la seule chose utile dont elle était capable. Il était faible, bien trop faible… Et cela l’angoissait comme s’il s’agissait de son propre corps mourrant. Elle tenait à lui, même si l’inverse n’était pas valable, et elle s’en voudrait de le voir donner son dernier souffle sur son lit. Pour le Lycanthrope, elle n’avait pas hésité à tuer un Chasseur avec une rage démesurée, dans le simple but d’assurer sa protection. Elle ne vivait pas à travers lui comme elle le faisait avec Tobias. Vampire qui un jour, la réduisit au même sort que lui. Entre eux régnait un amour parfait et idyllique mais depuis un siècle maintenant, il n’était plus de ce monde. Sans doute avait-il rejoint les Enfers, car à part cette destination, sa place n’était nulle part ailleurs. L’histoire était presque sur le point de se répéter. Même si Gabriel y était réticent. Demeurant encore et toujours une adolescente au fond d’elle, elle ne pouvait se résoudre à l’idée de finir sa vie éternelle seule. Sans cesse en besoin d’affection, elle avait vu en lui un homme fort, téméraire et courageux, qui pourrait prendre soin d’elle. Seulement, pour le moment cela promettait de ne jamais se produire, à son grand regret.

- Tu peux rester autant de temps que tu le souhaites Gabriel. Répondit-elle naturellement à sa question, avec un mince sourire sincère. Son appartement était le sien. Il pouvait rester ici autant d’heures qu’il le voulait, son seul souhait étant qu’il reprenne des forces. Une heure, ou une journée entière… A lui de voir. Elle ne lui imposait aucune directive, il était libre de ses actes. Prends le temps nécessaire pour te remettre sur pied. Ajouta t’elle d’une voix fébrile. Croyait-il sincèrement qu’une heure serait suffisante pour guérir chacune de ses blessures ?

Se relevant alors, elle attrapa le verre vide que Gabriel avait posé sur la table de chevet et se retourna une dernière fois vers lui. Ses yeux vairons semblaient briller d’une étincelle nouvelle. Elle était heureuse de pouvoir l’aider. Après tout, elle se sentait redevable depuis leur dernière rencontre, bien qu’ils étaient quitte à partir du moment où il jugea bon de la mordre comme un vulgaire morceau de viande. Elle disparut ensuite une nouvelle fois dans la cuisine et y resta quelques minutes, sans qu’on ne sache ce qu’elle y faisait. Même s’il avait besoin de repos et qu’il serait préférable de le laisser seul le temps qu’il récupère, Pearl ne pu s’empêcher de retourner dans la chambre. Et puis, elle ne pouvait pas rester loin de lui, à se tourner les pouces. Elle préférait ne rien faire à ses côtés qu’à l’autre bout de l’appartement. D’un pas assuré, elle vint s’installer sur le lit, à l’emplacement où elle s’était endormie un peu plus tôt.

- Tu devrais essayer de dormir un peu… Appuyée sur son coude gauche, elle s’était mise de côté pour le regarder, non sans tendresse. De sa main libre, elle vint effleurer sa joue du bout de ses doigts involontairement glacials. Je prendrai soin de toi. Il ne peut rien t’arriver ici, reposes-toi. C’était sans doute beaucoup lui demander d’avoir confiance en elle mais il était évident qu’elle ne tenterait rien contre lui, vu son attitude depuis leur arrivée ici.

Quelle idée d’avoir emmené ce jeune loup-garou chez elle… Que lui était-il passé par la tête ? Il avait indéniablement besoin de soin, et au lieu de l’amener directement à l’hôpital, elle l’avait conduit à son appartement. Il y avait bon nombre de personnes plus expérimentées qu’elle, et pourtant il se trouvait toujours à ses côtés à l’heure qu’il était. Néanmoins, elle était certaine qu’aucune bribe de métal ne s’était logée dans sa peau. Mais pouvait-elle prétendre avec exactitude que ses jours n’étaient pas en danger ? Rien n’était encore sûr. Ce Chasseur ne l’avait pas loupé, et maintenant… Son corps reposait six pieds sous terre. Voir Gabriel dans cet état lui déchirait le cœur, d’avantage quand les marques de ce conflit ne venaient pas d’elle. Oui, elle était égoïste et souhaitait que le jeune homme soit à elle, qu’il lui appartienne en somme… Si de son côté, elle s’octroyait le droit de pouvoir s’attaquer à lui, personne d’autre ne pouvait le faire.

Continuant de faire glisser le bout de ses doigts sur sa joue, le regard de Pearl ne déviait pas une seule seconde de son objectif premier : Gabriel. Ses caresses se firent de plus en plus douces et lentes, comme si elle cherchait à le bercer, à l’aider à s’endormir. Elle crut, l’espace d’un court instant, que le Lycanthrope avait posé ses yeux fatigués sur ses lèvres rosies, mais sans doute était-ce le fruit de son imagination… Pourquoi ferait-il une telle chose ? Il la haïssait à un point inimaginable, même le mot haïr devait être faible. Elle lui inspirait la pitié, le dégoût et paraissait pathétique à ses yeux. Du moins, était-ce là l’aperçu qu’il avait eu d’elle lors de leur dernière entrevue. Malgré elle, elle ne parvenait pas à lui en vouloir, souhaitant seulement se trouver à ses côtés… Plus souvent… Peu importait la raison de leurs rencontres. Alors qu’elle posait doucement son visage sur un oreiller, la tête tournée vers lui, Gabriel ferma les yeux. Sa main vint s’apposer sur la sienne, sans qu’elle ne réagisse. Elle reçut ses légers effleurements avec un plaisir non dissimulé, souriant de bien-être et de contentement sans s’en rendre compte. Bientôt, ce fût à son tour de clore ses paupières, sa main enlaçant solidement celle du jeune homme.

Bien partie pour dormir des heures entières, la Vampire dormait d’un sommeil de plomb. Sa main serrait toujours autant celle de la créature étendue à ses côtés, sans jamais lâcher prise. La pression qu’il émit sur celle-ci à la suite d’un grognement ne l’extirpa aucunement de sa torpeur. Seulement, quand il se releva brusquement, se détachant alors de son emprise, Pearl ouvrit fébrilement les yeux, le cherchant du regard, bien que la fatigue l’empêchait d’y voir clair.

- Gabriel ? Laissa t’elle échapper d’entre ses lèvres en un murmure peu audible. S’appuyant alors de ses mains sur le lit, elle se mit en position assise et l’observa se rallonger sur le matelas, comme si de rien n’était. Ses petits couinements de chiot blessé l’inquiétèrent quelque peu. Avec tendresse et une délicatesse certaine, elle vint se pelotonner contre lui, venant placer le haut de son corps sur son torse et enfouissant son visage dans son cou. Ses paupières se fermèrent d’elles-mêmes tandis que ses lèvres déposaient un baiser rassurant sur sa nuque chaude. Qu’est-ce qui se passe ? Ajouta t’elle, d’une même voix endormie. Prenant soin de ne pas s’appuyer là où il pouvait avoir mal, elle ne mettait pas tout son poids sur son torse, pensant bien entendu à ses côtes cassées. Un petit câlin ne pouvait pas lui faire de mal, non ? Le visage toujours caché dans son cou, la main gauche de la Vampire vint caresser instinctivement sa joue dans un geste répétitif mais doux.