Think twice before....[pv]

La sonnerie stridente du réveil se fit soudain entendre, rompant à la fois le silence de cette heure matinale et faisant sursauter la jeune femme allongée sous les draps clairs, pourtant éveillée depuis une bonne heure. Elle ne bougea que pour tendre une main vers l’appareil en question et l’éteindre d’un geste devenu automatique avant de le reposer dans l’exacte position qu’il était quelques instants plus tôt, avant que le malheureux ne vienne troubler ses pensées.

Deux semaines déjà qu’elle se réveillait dans ce lit, dans cette chambre, dans cette demeure, dans cette vie…
Il lui fallait toujours un certain temps de réflexion chaque matin, un long moment où elle refaisait dans sa tête le cheminement de cette année et pourquoi elle se trouvait dans le lit de son patron actuellement, enfin plus précisément dans l’ancienne chambre de Zachary puisque ce dernier ne pouvait plus monter ou difficilement le grand escalier.

Après sa capture la nuit de la dernière pleine lune et leur petit entretien dans le laboratoire du jeune homme, elle avait eu droit à un bon bain et à un vrai repas, puis Zach l’avait conduit dans son bureau pour lui expliquer réellement ce qu’il attendait d’elle. Elle n’avait pas bronché pendant tout le long discours, dans lequel il ne l’avait pas épargné. Elle travaillerait pour lui, il se fichait de sa prétendue couverture de morte, c’était à elle de faire attention et elle serait en première ligne dans les missions. Aucune faveur à son égard, après tout qui de mieux qu’une créature comme elle pour lutter contre d’autres démons? Si il ne l’avait pas affirmé explicitement elle avait su lire entre les lignes.
Elle n’était pas prisonnière, il ne la retiendrait pas enfermée dans une pièce avec deux gardes à la porte et des barreaux aux fenêtres. Peut-être y avait-il songé mais le pacte qu’ils avaient conclu et qui incluait le dernier membre de la famille de Juliane était plus fort que n’importe quelle menace ou torture. La jeune femme serait libre d’aller et venir à sa guise, à condition de répondre présente à chaque fois que le milliardaire la biperait et qu’elle lui fournisse toutes les informations qu’elle trouverait le plus rapidement possible. Peu importe les manières employées, ce qui comptait visiblement le plus pour était les résultats, le reste lui importait peu.
Elle s’était contentée de simples hochements de tête, docile, recroquevillée dans son fauteuil, ne le quittant pas des yeux une seule seconde.

Puis il lui avait fait une proposition qui l’avait pris au dépourvu, et qui l’avait laissée interdite un moment. Le jeune homme avait prétexté l’utilité de la chose et elle n’avait certainement pas cherché d’autres explications plus complexes.
Il avait donc trouvé plus utile que la jeune louve reste au manoir, au moins la nuit. Elle pourrait faire ce qu’elle avait à faire la journée et revenir ici, comme un chat rodant dans les rues la journée et revenant à l’heure du repas pour se nourrir et trouver un endroit chaud pour la nuit. Peut-être voulait-il simplement la surveiller du mieux qu’il le pouvait, et lui offrir son ancienne chambre était un moyen comme un autre. Elle avait eu envie de l’envoyer se faire foutre, puis elle avait réfléchie que tout ce qu’elle avait pour le moment c’était lui. Aussi absurde et ironique que cela était, elle n’avait que lui. Elle aurait put retourner dans son abris évidemment, vide, froid, seule, à tourner en rond comme un lion en cage, ou rester ici, avec lui, avec Donovan, et tous les va et vient des autres personnes travaillant pour le jeune homme.
Une nouvelle fois elle n’avait rien répondu, se contentant d’un hochement de la tête, ce qui eu l’air de satisfaire son vis-à-vis. Il avait alors demandé à son major d’homme de la conduire à ses nouveaux appartements et pour la première fois depuis des mois, se sentant en sécurité dans ce nouvel endroit et surtout morte de fatigue, elle sombra rapidement dans un sommeil sans rêves…

Il lui avait laissé une semaine pour se remettre de sa capture, de ses blessures pansées avec soin et sans doute pour s’acclimater à sa nouvelle vie, à son nouveau travail.
Et même si elle ne se sentait pas à son aise, si elle avait envie de partir en courant pour s’enfuir loin et ne jamais revenir, si elle pensait qu’elle ferait mieux de se tirer une balle une bonne fois pour toute, pour tenter de trouver la paix qu’elle attendait depuis des années, elle n’avait rien montrer, rien laisser transparaître de tous ses sentiments, comme la femme forte qu’elle avait toujours été. Elle s’était donc vite habitué à la manière de travailler de son nouveau patron. A vrai dire il donnait des ordres, passait ses journées à donner des coups de fils à un nombre de contacts impressionnants et quittait parfois son bureau pour se rendre dans les sous-sols pour faire dieu sait quoi. Pour dire la vérité elle savait parfaitement ce qui se tramait sous ses pieds, c’est là qu’elle avait été elle-même enfermée et son ouïe surdéveloppé lui permettait d’entendre des hurlements que les autres n’entendaient pas, ou faisaient semblant de ne pas entendre. Mais elle s’en moquait, ces êtres l’avaient certainement mérités, elle se contentait de faire son travail.
Sa relation avec Zach était assez étrange et c’est peut-être ça qui la perturbait tellement. Elle le détestait et l’appréciait à la fois, elle ne pouvait pas oublier le jeune homme plein de vie et irrespectueux qu’il avait été et qu’elle avait tant méprisé, sans compter qu’il l’avait traqué pendant des semaines avant de la capturer comme le pire des immondices. Mais il avait promis de rechercher activement Louka et ils avaient été intimes, dans un état second pour elle, mais c’était quelque chose qu’elle ne pouvait oublier, des sensations qu’elle ne pouvait pas sortir de sa tête, même si elle essayait. Alors la proximité du jeune homme la dérangeait quelques fois. Il n’existait pas de vouvoiement entre eux, et les ordres qu’il lui donnait ne sonnaient pas vraiment comme tels, en tout cas ils n’avaient pas la même intonation qu’avec les autres chasseurs qui travaillaient à sa solde…

Ce matin-là donc, après de nouvelles interrogations plein la tête, elle se leva enfin, se dirigeant automatiquement vers la salle de bains attenante à la chambre pour prendre une douche brûlante. Après une année d’eau froide, c’était ce qu’elle préférait en se levant le matin, rester de longues minutes sous le jet bouillant, fermant les yeux pour mieux apprécier chaque gouttes sur sa peau.
Lorsqu’elle sortit, elle arracha d’un geste sec le pansement qu’elle avait sur les côtes, celles-ci complètement guéries à présent. Elle enroula une serviette blanche autour de son corps et se dirigea vers le miroir, passant la main dessus pour enlever la buée de la vitre. Puis chose qu’elle ne faisait plus depuis longtemps, elle se maquilla. Elle cacha d’abord avec du fond de teint les quelques bleus qui n’avaient pas complètement disparus de son visage et s’appliqua pour le reste. Elle s’habilla ensuite avec les habits qu’elle avait ramené de sa planque, d’une jupe tailleur, d’un chemisier blanc et d’une veste cintrée assortie à son bas. Bien sûr elle ne faisait pas ça pour paraître féminine, ni pour plaire mais elle avait une affaire à régler aujourd’hui, ou plutôt des informations à faire cracher à un petit démon dont Zachary avait découvert la planque. Celui-ci travaillait pour un plus gros gibier et c’était une des cibles prioritaires du jeune homme. Il lui avait donc demandé de le cueillir et de mener l’interrogatoire. Et comme le meilleur moyen de soutirer des informations à un homme était de le distraire, tout ceci n’était pas vain. Désirant cependant garder l’anonymat et tenter de garder sa prétendue mort plausible le plus longtemps possible, elle remonta ses longs cheveux et enfila une perruque courte dans les tons cuivrées ainsi qu’une paire de lunettes de vue qui lui donnait un air sévère. Et s’étant assez regardé pour aujourd’hui, elle jeta sa serviette sur le miroir pour cacher son reflet. Elle descendit alors le plus discrètement possible, pour être sûre de ne croiser personne et sortit rapidement de la demeure pour monter dans son 4x4 qui jurait avec le look qu’elle s’était attribuée aujourd’hui.

Elle roula une bonne dizaine de minutes avant de prendre un petit chemin bordant la forêt de Cleveland et de se garer sur le bas côté et d’attendre les autres chasseurs qui l’accompagneraient pour sa mission. Une dizaine de minutes plus tard, une autre voiture se gara à son tour juste derrière elle et elle descendit de son véhicule pour monter du côté passager, rejoignant le conducteur qu’elle reconnut comme celui qui l’avait tripoté le soir de sa capture et à qui elle avait démoli la mâchoire. Deux autres hommes étaient assis à l’arrière et elle aurait parier qu’ils faisaient aussi partie du groupe commandos, mais personne ne prononça un seul mot et ils se mirent en route rapidement jusqu’au quartier le plus détruit de la ville, celui se trouvant au pied de la colline et dont les démons avaient investis les lieux depuis un an. Il n’y avait que le jour où l’on pouvait se risquer à sortir sans trop de danger. Le démon qu’ils recherchaient, une petite frappe, squattait d’après leurs renseignements un appartement non dissimulé et plutôt à découvert dans un des seuls immeubles non détruits.

Ils arrivèrent à l’adresse indiquée une demi-heure après et descendirent tous les quatre, faisant claquer leur portière d’un même bruit sourd qui se répercuta en écho entre les quelques hauts murs encore debout. La jeune femme, non armée puisque les trois hommes qui l’accompagnait l’étaient jusqu’aux dents, les suivit alors qu’ils vérifiaient soigneusement les alentours avant de pénétrer dans le bâtiment.
Ils atteignirent le bon appartement au troisième étage et le petit groupe de machos força la porte et pénétra avec fracas dans le lieu de vie sans plus de cérémonie. Préférant les laisser mener la partie musclée, la jeune femme pénétra à son tour dans l’entrée, refermant la porte du mieux qu’elle le pouvait derrière elle avant de s’avancer silencieusement vers les bruits de luttes qu’elle entendait. Lorsqu’elle arriva enfin vers ses compères, ils tenaient en joue le dit vampire, qui avait plutôt l’air d’un vagabond ne mangeant que très rarement et ne sentant pas franchement l’air frais de la nuit. Les fenêtres étaient couvertes de planches en bois, pour se protéger de la lumière du soleil et le « déchet » était recroquevillé dans un coin de la pièce, trois fusils braqués sur lui, les yeux grands ouverts de surprise de les mains en l’air comme un innocent prêt à coopérer….foutaises, il n’y avait rien de plus vicieux et perfides que les vampires…

Juliane fit signe aux trois hommes de ranger leur joujou et le démon se retrouva rapidement ficeler sur une chaise, encadré de deux hommes, le dernier surveillant la rue depuis un interstice.
La jeune femme prit à son tour une chaise et s’assit en face de l’homme, à un mètre environ, assez pour paraître intimiste et pas assez pour que ses réflexes ne lui fassent défaut si il tentait quelque chose de stupide. Finalement elle se dit que ce rôle de domination lui avait manqué, les interrogatoires étaient sa spécialité du temps où elle menait elle-même sa propre guérilla personnelle.
Elle fouilla dans une de ses poches pour retirer une cigarette qu’elle alluma et tira une longue bouffée, laissant planer un silence inquiétant pour sa victime et palpitant pour elle-même. Il attendait qu’elle parle ou agisse mais elle attendit encore un peu, juste pour le plaisir. Elle croisa les jambes, ses fines jambes en avant sur lesquelles s’attarda un long moment le vampire avant de briser enfin la glace.

« Stan n’est-ce-pas? » lança-t-elle dans une question rhétorique. « Le diminutif de Stanislas je suppose. C’est un prénom de l’Est, tchèque me semble t-il. » continua la jeune femme, inspirant une nouvelle bouffée de nicotine. « Tu dois te douter que cette interruption n’est pas une visite de courtoisie Stan et que les prochaines minutes ne seront pas forcément une partie de plaisir pour toi » l’informa-t-elle, laissant volontairement un silence entrecoupé chacune de ses phrases. « C’est pourquoi je ta laisserai le choix entre deux options, la première se déroulant de la manière suivante: tu coopères, tu nous dit ce que nous voulons savoir, tu nous évites une torture inutile et nous te laissons repartir. Ou bien tu décides de jouer la forte tête, tentes de rester fidèle à ton patron et tu souffriras inutilement avant de mourir lentement, pour rien. » expliqua-t-elle pour aller droit au but.

« Va te faire foutre pétasse » répondit-il en crachant à ses pieds, ce qui lui valut un violent coup au sommet du crâne par un des deux hommes qui l’encadrait.

La jeune femme le stoppa d’un mouvement de la main et prit un air faussement contrarié avant d’écraser sa cigarette sur la chaise du vampire, entre ses deux jambes qu’il écarta rapidement.

« Je me doutais que tu allais répondre ce genre de chose vulgaire et déplacé alors que je tente désespérément d’apporter un peu de chaleur et de courtoisie à cette entrevue. » répondit simplement Juliane, gardant son calme et son sang froid. « Où se cache celui pour lequel tu travailles? Je veux connaître l’emplacement de son repère exact, le nombre de démons qui sont à ses côtés et qui travaillent pour lui, du plus ignorant comme toi aux plus importants et puissants » exigea-t-elle.

« Va te fa….. » commença-t-il mais il fut couper par le talon d’une des bottes de la jeune russe en plain dans la mâchoire.

« Tu te répètes, sois plus original la prochaine fois » déclara-t-elle. « Je trouve que cette pièce manque sérieusement de clarté, un peu de lumière ne nous fera pas de mal, retirez les planches messieurs" demanda-t-elle alors qu’ils s’exécutaient avec un plaisir non feint. « Je sais que contrairement à la légende vous ne vous transformez pas en tas de poussière dès qu’un rayon de soleil vous effleure la peau mais cela vous ai tout de même très désagréable n’etst-ce-pas? » questionna-t-elle sans attendre de réponses cette fois-ci.

Elle entendit le bruit des planches qui craquèrent et la pièce s’éclairer comme par magie, et le soleil lui chauffant le dos et aveugler le vampire qui serra des dents avant de commencer à gémir de douleur après une courte demi minute, sa peau commençant à brûler….

Il n’avait pas fallu longtemps à Stanislas pour craquer et finalement leur dire tout ce qu’elle voulait savoir. Les trois chasseurs l’avaient alors conduit dans la voiture et avait ramené la jeune femme à son véhicule Elle était sûre qu’ils allaient conduire le démon chez son « boss » et qu’il finirait dans les sous-sols lui aussi, et à vrai dire elle s’en moquait. Elle vit la voiture de ses « collègues » s’éloigner et monta dans la sienne. Elle aurait dû elle aussi revenir au manoir pour faire son rapport à Zach, comme il lui avait ordonné mais elle avait besoin de se changer les idées. Elle n’avait plus l’habitude de faire ce genre de choses, même si elle y avait pris quelque plaisir, ce n’était plus dans son état d’esprit.

Elle mit alors le moteur de sa voiture en marche et se dirigea dans un des seuls endroits sûrs pour elle de la ville, un bar de chasseurs clandestins qui avait échappé aux nombreuses attaques de démons. Elle ne se rappelait même plus comment elle connaissait son existence, peut-être était-ce son cousin qui l’avait découvert, ou Jack, ou…..peu lui importait, il fallait qu’elle décharge le trop plein d’émotions, de colère, de tristesse, et pour ça, rien de mieux que le sexe.
Elle avait donc trouvé un chasseur dans sa tranche d’âge, qui ne paraissait pas trop brute et stéréotypé, plutôt séduisant et elle l’avait suivit chez lui. Elle n’apprit de lui seulement qu’il se nommait Liam, et qu’il n’était pas bavard, ce qui tombait à pic. Ce n’était pas un discours enflammé qu’elle cherchait, juste ses aptitudes à l’horizontale. Ils avaient donc passé quelques heures mouvementées ensembles avant qu’elle ne s’éclipse une fois que son compagnon se soit endormi. Elle lui aura au moins connu une qualité…

Elle reprit une nouvelle fois sa voiture et conduisit un très long moment, sans vraiment savoir où elle allait, jusqu’à déboucher au cimetière de Cleveland. Elle marcha à travers les stèles, une arme à la hanche cette fois-ci et tenta de retrouver l’endroit qu’elle cherchait parmi cette végétation abondante. Puis elle arriva enfin devant une tombe de marbre blanc, là où était inscrite en lettre dorées son propre nom: Juliane Eckhart. Mais ce n’est pas ça qui attira le plus son attention, mais la rose rouge qui commençait à peine à faner posée sur la pierre. Qui aurait put déposer cette unique fleur et dans quelle intention? Elle ne connaissait personne assez intimement pour attendre un tel geste de la part de quelqu’un , en tout cas personne qui n’ait quitté la ville…
Elle resta un long moment, debout devant cette tombe, à contempler son nom et cette fleur, ci bien que lorsqu’elle quitta les lieux, la nuit était tombée depuis bien longtemps.

Elle retourna rapidement à son véhicule, et après avoir pris place derrière le volant, sortit un ordinateur portable où elle tapa tous les renseignements qui lui avait fourni le vampire dont elle se souvenait avec exactitude. Elle ferma l’appareil après avoir tout noté, vérifiant qu’elle n’ai rien oublié et démarra, retournant au manoir à une heure plus que tardive.
Lorsqu’elle arriva à destination, toutes les lumières étaient déjà éteintes et le froid de la nuit lui glaçant la peau, elle se hâta de pénétrer dans le hall d’entrée, ses yeux de loup l’aidant à s’orienter dans l’obscurité totale. Elle ôta sa perruque, relâchant ses longs cheveux, ses lunettes et ses bottes pour ne pas faire de bruit et se dirigea vers le salon pour prendre la direction des escaliers, son ordinateur sous le bras, pour faire le moins de bruit possible.
Son patron dormant déjà visiblement, elle lui ferait donc son rapport demain matin….